Le terrorisme a coûté la vie à un grand nombre d'innocents dans le monde et est devenu un défi majeur pour toutes les nations et tous les peuples, en particulier après avoir usé des médias sociaux en guise d'outil efficace pour diffuser et propager son idéologie, impactant gravement les internautes mineurs. Les études ont prouvé le recours aux médias sociaux pour diffuser de la propagande extrémiste et recruter des innocents pour rejoindre des organisations terroristes, sous couvert d'orientations politiques, idéologiques et religieuses.

L'impact des plateformes de médias sociaux terroristes apparaît sous diverses formes, dont notamment l'apologie du terrorisme considérée comme un soutien et un encouragement apportés aux terroristes et à leurs actes terroristes, ce qui peut conduire à des actes ou des crimes qui menacent la société et suscitent la peur et la panique parmi les gens.

Apologie du terrorisme

Quand on loue un acte, il s'agit en fait d'une approbation tacite ou d'une muette acceptation de cet acte. Lorsque la société sous-estime le terrorisme, elle lui accorde une certaine acceptation ou du soutien à ses actes odieux qui deviennent avec le temps des pratiques banales. Cet état de choses envoie un mauvais message à la société où nombreux sont ceux qui acceptent les idées sans se poser des questions, réfléchir ou critiquer. Si un influenceur fait l'éloge d'une idéologie extrémiste ou d'un acte terroriste, ses partisans le suivront à la lettre et aveuglément.

L'une des raisons de glorifier le terrorisme est que les gens échangent les données via les médias sociaux, et vu la facilité de commenter les messages transmis (textes, images, vidéos), de nombreux usagers dupés s'empressent de “liker" et de montrer leur soutien dans les commentaires sur les messages. L'éloge du terrorisme se retrouve, de la sorte, aisément renforcé via les médias sociaux.

Ainsi, lorsqu'un attentat à la bombe a eu lieu dans une boîte de nuit en Malaisie, ayant occasionné des morts et des blessés, au lieu de présenter leurs condoléances aux victimes des commentaires sont apparus faisant l'éloge par ignorance et naïveté des auteurs de cet acte terroriste! Certains des commentaires qui ne se sont pas allés jusqu'à soutenir les terroristes ont envoyé même le mauvais message aux lecteurs. Quoiqu'ils soient des points de vue personnels, ces commentaires et interactions ont eu pour effet de glorifier le terrorisme, ce qui peut conduire à son acceptation.

Encourager les gens ordinaires pousse certains individus à commettre les actes loués. Une étude menée par des anthropologues de l'Université de Balikesir en 2015 indique que le soutien social incite les individus à commettre les actions soutenues. Les acclamations de la foule encouragent souvent les coureurs et les athlètes à continuer la course sans s'arrêter. Donc, si nous ne prenons pas de position ferme pour mettre un terme à l'apologie des terroristes, le terrorisme va se propager sans cesse. Bien qu'elle ne soit pas un attentat terroriste en soi, l'apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux encourage les terroristes à aller de l'avant dans leur entreprise et envoie un message selon lequel la violence est la meilleure solution aux problèmes. Il s'avère donc nécessaire de freiner cette glorification par divers moyens dont la promulgation de lois strictes.

Traitement juridique

Vu que l'apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux est un pas vers l'acte terroriste lui-même, certaines lois ont opté pour l'incrimination de ces panégyriques. Ainsi, le Royaume-Uni criminalise la glorification des terroristes et des actes terroristes. La loi sur le terrorisme de 2006 a inclus de nouveaux crimes comme celui d'encourager le terrorisme, diffuser des versions terroristes, organiser des actes terroristes ou s'entraîner à des fins terroristes. Ainsi, la publication de toute déclaration glorifiant les actes terroristes, les célébrant ou les louant, est devenue un crime puni par la loi. L'incrimination comprend l'incitation directe et indirecte à commettre des actes terroristes et des crimes sur Internet et sur tous les médias sociaux.

Dans ce qui suit, nous passons en revue les lois malaisienne et indonésienne à cet égard.

Loi malaisienne

Le code pénal malais traite les crimes liés au terrorisme. Un terroriste est défini comme une personne qui commet, tente de commettre, participe à ou facilite tout acte terroriste. La loi ne fait aucune mention du terme “apologie", mais elle criminalise “l'encouragement" à commettre tout acte terroriste, ou “l'incitation" à commettre tout acte terroriste. Il est fort probable que ces deux crimes partagent le même objectif, l'apologie.

En fait, l'apologie des terroristes équivaut à louer et promouvoir les actes terroristes, ce qui peut également conduire à l'incitation. La loi définit ce que signifie le terme “soutien" : l'utilisation des médias sociaux, ou de tout autre moyen, pour propager un groupe terroriste, promouvoir ses actions, soutenir un groupe terroriste, commettre un acte terroriste ou faciliter les actions d'un groupe terroriste.

L'affaire n° (MLJ 702) traitée par la Cour suprême en 2018, a apporté plus de clarté sur l'apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux. La police a arrêté l'accusé selon un rapport affirmant son soutien à l'organisation terroriste Daech. Sur son téléphone portable, ils ont trouvé des photos liées à Daech. L'enquête a révélé un compte de l'accusé sur la plateforme Facebook comprenant un grand nombre de messages soutenant l'EI et faisant la promotion du terrorisme. Le suspect a été reconnu coupable du crime de soutien à un groupe terroriste conformément au Code pénal. Cette affaire se basait sur le “soutien" du terrorisme par l'accusé dans des publications électroniques uniquement, sans prouver son intention de s'armer ou de commettre lui-même un acte terroriste, sachant qu'il aurait publié ces documents sur les réseaux sociaux sans être conscient du danger du contenu.  Mais malgré cette excuse, le tribunal le déclara coupable pour avoir apporté son soutien au terrorisme, quoique limité aux médias sociaux. Le juge a fait une remarque importante, affirmant qu'appuyer sur le bouton “J'aime", ou publier toute expression faisant l'éloge d'un acte terroriste sur les médias sociaux constitue une infraction de soutien au terrorisme. Le juge a ajouté : “Les crimes stipulés dans le Code pénal criminalisent un large éventail de comportements qui incluent des actes violents et non violents liés au terrorisme. Le soutien relève de la liste des “actes non violents". Il convient de noter que le juge a utilisé le terme “louange", qui a presque le même sens que le terme “apologie". Il semble que la question soit réglée en ce qui concerne la synonymie des termes “soutien" et “apologie".

Le Code pénal n'a pas explicitement mentionné le terme apologie dans le cadre de sa criminalisation des actes terroristes, mais il a mentionné d'autres termes qui ont des significations presque synonymes, tels que “soutien" et “incitation", de sorte que l'apologie du terrorisme ou des terroristes en Malaisie sur les réseaux sociaux est considérée comme un crime qui expose ses auteurs à une peine dissuasive.

Loi indonésienne

La loi n° 5 de 2018 criminalise les actes terroristes et constitue un amendement à la loi antiterroriste de 2002. Son article 1 stipule qu'un acte terroriste est l'usage de la force ou la menace de la force qui conduit à l'intimidation et répand la peur, entraîne des destructions et des blessés, ou conduit à la destruction de l'environnement, des installations stratégiques et vitales, ou des installations publiques ou internationales. Ce crime est commis avec des mobiles idéologiques ou politiques ou pour déstabiliser la sécurité. Bien que cet article criminalise tous les actes liés au terrorisme, il n'y a pas de disposition explicite criminalisant l'apologie du terrorisme en général ou sur les réseaux sociaux, ce qui contraste clairement avec la loi malaisienne.

La loi de 2018 précise à deux endroits les types de publications électroniques pouvant constituer des délits liés au terrorisme. Mais les deux sujets traitaient d'actions terroristes directes et non de déclarations glorifiant l'acte terroriste. Le premier article stipule les types de menaces de recourir à la force, dont les menaces verbales, écrites, par images, symboles signes, moyens électroniques ou non électroniques. Cela inclut généralement la diffusion du terrorisme par le biais des médias sociaux, mais diffère de l'apologie du terrorisme. L'article fait référence à des termes terroristes qui équivalent à la menace de recourir à la force, fondement même du terrorisme, sans aucune référence à des termes glorifiant les actes terroristes commis par d'autres personnes.

L'article 13 de la loi érige en infraction tout signe ou phrase publiés sur Internet ou tout autre moyen de publication qui provoque ou incite autrui à recourir à la force ou à menacer de recourir à la force conduisant à un acte terroriste, mais ce crime n'est pas lié à l'apologie d'un acte terroriste commis par d'autres.

En l'absence de loi sur l'apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux en Indonésie, d'autres législations devraient être envisagées pour trouver une solution à ce problème. On retrouve toutefois une quasi-solution dans la loi n°11 de 2008 sur l'information électronique et les échanges électroniques criminalisant la publication d'informations qui inciteraient à la haine entre individus ou entre un groupe de personnes, sur la base de sentiments religieux, ethniques ou sectaires. Cet instrument peut être utilisé dans les cas de publications sur les réseaux sociaux glorifiant des actes terroristes et s'avérer utile pour empêcher l'apologie de tout acte terroriste. 

Analyse en bref

Selon l'analyse ci-dessus, nous pouvons souligner que la Malaisie et l'Indonésie ont mis en place des lois antiterroristes pour sanctionner le soutien, l'approbation ou la promotion des actes de terrorisme sur les médias sociaux. La loi malaisienne semble plus proche de la criminalisation de toute apologie du terrorisme que la loi indonésienne. Les différentes réactions des Etats relatives à la criminalisation de la glorification du terrorisme ne signifient pas qu'il existe différents niveaux d'intérêt pour la question du terrorisme, mais plutôt différentes approches en rapport aux conditions sociales et politiques environnantes, telles les pressions pour laisser plus de place à la liberté d'expression et la crainte d'incrimination excessive.

L'acte terroriste demeure une menace pour la sécurité des peuples, ce qui nécessite l'élaboration de politiques juridiques supplémentaires pour détecter et prévenir le terrorisme et prendre des mesures pour le combattre afin de préserver la sécurité et la sûreté des peuples. Les lois devraient être plus claires en termes de définition et de classification des crimes liés au terrorisme, telle l'apologie du terrorisme. Les lois ambiguës ne menacent pas uniquement la structure sociale mais également la liberté d'expression et empêche de profiter au maximum de la technologie. À la lumière de notre ère numérique, l'orientation juridique et éthique du mécanisme d'utilisation des médias sociaux devient une nécessité afin de maintenir la paix, la sécurité et l'ordre.​