​​​Ceux qui liront les études, la recherche et la littérature arabes qui ont traité de la question du retour des djihadistes, remarqueront que la question du retour des femmes, des filles et des enfants n’a pas retenu l’attention des universitaires de manière appropriée, ni ne les a motivés à approfondir leurs recherches et analyses.

La justification de cette exclusion ou de ce manque d’intérêt est que le nombre de personnes impliquées directement dans l’extrémisme (dirigeants, épouses de princes) ou indirectement (épouses, filles trompées) est faible par rapport au nombre d’hommes; en plus du fait que leur travail n’était pas principalement le combat.

Contrairement à cette à attitude indifférente à l’égard de la soumission à l’étude, de la catégorie des femmes, les différents médias arabes suivent avec un grand intérêt, ce qui se passe dans les camps, et surveillent la vie de celles qui ont été bloquées dans des camps ou les témoignages de celles rapatriées dans leur pays. L’attention des journalistes et des professionnels des médias sur la question (des femmes de l’EI) est due à la perception que leur extrémisme est étonnant, curieux et surprenant; et que sa commercialisation est rentable.

Quelles sont donc, les raisons de l’intérêt que nombre de chercheurs portent à ce sujet?

Écart Cognitif
En examinant attentivement ce qui a été produit à partir de 2017, sur ce sujet, en Occident, nous trouvons de nombreuses publications qui ont suivi les témoignages de femmes bloquées dans des camps, de prisonnières ou de rapatriées dans leur pays et les ont analysés selon diverses approches sociales, psychologiques, de genre (genre), anthropologiques et autres; sans toutefois, avoir eu d’impact positif sur l’acquisition de connaissances permettant de classer les femmes impliquées dans le terrorisme, de comprendre les raisons de leur adhésion à l’État dit (califat) et d’accomplir des tâches contraires à ce que l’on attend d’elles un effort qui aiderait à évaluer les études précédentes qui avaient analysé les raisons de l’adhésion des femmes dans des organisations extrémistes violentes, leurs tâches, …etc.

La comparaison entre les études et recherches menées sur le phénomène du terrorisme, dans des centres de recherche occidentaux, en utilisant des approches de féminines basées sur le genre, ainsi que la littérature et les études produites dans le monde arabe dans cette approche méthodologique, montrent la rareté du produit arabe. Ceci nous incite à extrapoler, à partir de l’événement de la chute de l’organisation (État islamique), les témoignages de ce groupe de filles et de femmes et de scruter les opinions et positions qu’elles ont exprimées.

Bien que ces témoignages soulèvent des problèmes systématiques en termes de crédibilité, ils nous aident à réfléchir sur les types et les modèles de présence des femmes au sein des groupes militants.

Témoignages riches
Après avoir attentivement suivi et extrapolé témoignages, interviews de presse et clips vidéo, nous avons pu classer les femmes (jihadistes) en deux catégories:

  • La première catégorie: La catégorie des femmes qui veulent quitter «Daech» et rompre les liens avec lui, se libérer des stéréotypes idéologiques auxquels elles ont été soumises et retourner dans leur pays. La plupart de celles qui appartiennent à ce groupe affirment avoir été trompées, attirées dans un grand projet humanitaire ou forcées d’accompagner leurs époux ou leurs proches. Ce n’est qu’après avoir vécu dans le «califat», qu’elles ont réalisé l’erreur qu’elles avaient commise contre elles-mêmes. Par exemple, la tunisienne Khadouja, qui a fui la ville syrienne d’Al- Raqqa, dit: «Je me suis faite du tort en prenant la décision de rejoindre cette organisation. En prenant une telle décision, je n’avais pas pensé de manière rationnelle et n’avais pas tardé à découvrir des gens qui étaient faciles à expier et à tuer tous ceux qui s’opposent à eux».

    Quant à celles qui ont réussi a s’échapper avant la chute du «califat», la plupart de leurs déclarations témoignent de leur volonté de se désengager du passé, d’effacer la mémoire chargée d’idéologie extrémiste violente et de déclarer leur repentir de ce dans quoi elles s’étaient impliquées. Cette catégorie a contribué à la divulgation des méthodes discriminatoires de traitement des femmes, des méthodes de torture des Yézidis, du viol et de l’extorsion qui ont lieu dans les prisons pour femmes, ainsi que de ce qui se passe dans la société du «harem» en termes de mesures commerciales, comme le rasage, la parure, la vente de vêtements et de «cigarettes»… en plus d’autres informations qui révèlent la confusion qui règne au niveau des organisations, des emplois, des tâches et de la faisabilité, et contribuent à la perception de relations fondées sur l’exploitation et l’intérêt, même s’ils sont habillés d’un costume religieux.

    Les femmes arabes appartenant à cette catégorie appellent leurs clans en Syrie et en Irak à leur tendre la main, afin qu’elles puissent rentrer et s’intégrer à nouveau dans leurs sociétés. Quant aux expatriés de pays comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et d’autres… elles demandent à leurs pays de faciliter leur retour, et sont prêtes à rendre des comptes et aux sanctions qui en découleront, y compris la participation à des séances de psychothérapie et de soutien psychologique, social et économique. D’autres femmes hésitent néanmoins, à exprimer leurs revendications. Il est clair que les plus grandes bénéficiaires de la médiation clanique sont les mères et les veuves syriennes chargées de subvenir aux besoins de leurs enfants. Ce qui prouve qu’il existe des différences nettes entre les femmes célibataires, mariées et veuves d’une part, et confirme d’autre part, l’existence d’une hiérarchie entre les femmes arabes, les femmes étrangères et celles venues des pays du Maghreb.
     
  • La deuxième catégorie est celle des femmes qui croient en l’idéologie de l’(ISIS), qui sont convaincues que l’État demeurera et s’étendra; et refusent par conséquent, de retourner dans des pays qui ne représentent plus rien pour elles. Elles ont de ce fait, à cœur, de brosser un tableau lumineux de l’organisation et construisent leur identité sur cette base. Dès lors, elles n’hésitent pas, lorsqu’elles se présentent, à s’attribuer à «l’État» et se montrent fières des expériences qu’elles ont réalisées et vécues. Par exemple, la déclaration de la militante britannique de l’EI, Shamima Begum, qui a dit: "Je n’ai pas de remords d’avoir rejoint l’État islamique". «Nous sommes ISIS, et nous avons vécu des années de justice et de paix. C’était la meilleure vie. Il s’agit, en effet, un État islamique qui suit le chemin de la prophétie, sans les espions qui s’étaient infiltrés ces dernières années. Ce sont eux qui ont torpillé et brûlé l’État», explique la Tunisienne du camp d’al-Hol.

Ainsi, certaines femmes justifient-elles les raisons du repli de l’État par une conspiration étrangère et divisent le monde, sur la base de la dichotomie de la foi et de l’incrédulité, en deux parties. Comme elles ont quitté ce qu’elles qualifient comme pays de «l’infidélité», elles refusent de retourner y vivre parce qu'elles les considèrent comme camps de «l’infidélité». «Ils nous ont empêchées de porter le niqab, d’étudier et d’aller à l’université», explique une tunisienne, évoquant les raisons de son départ. «Je n’ai pas l’intention de retourner en Belgique», déclare pour sa part, une européenne du camp d’Al-Baghouz. Une autre Irakienne ajoute qu’: «Il n’y a de gloire que par le jihad et de fierté que dans l’Islam». Elle fait sans doute, référence à l’Islam et au jihad de l’État islamique. Certaines d’entre elles vont jusqu’à juger les journaliste (femmes) qui les interviewent d’infidèles, pour avoir montré leur parure et pour leur loyauté envers l’Occident. Elles justifient d’autre part, leurs positions, par une mauvaise interprétation des versets coraniques, ou de certains événements de l’histoire islamique.

Les femmes de l’EI vont au-delà de la dénonciation de leurs convictions. Certaines de leurs militantes vont jusqu’ à pratiquer la (hisba) dans les camps ou les prisons, et punir quiconque renonce à l’idéologie jihadiste; en plus de recourir à l’intimidation et aux menaces. Les femmes de l’EI sont d'autre part, désireuses de former leurs enfants au jihad et de les former à l’éthique de «l’état de la loi de Dieu», en partant du principe que la nouvelle génération est tenue de porter (faire confiance) et de mener à bien, le projet de cet État. Cela ne peut que prouver la capacité des femmes à pratiquer la violence sur celles qui ont quitté l’approche de l’État islamique, «après que les dirigeants les ont guidées vers l’Islam correct», de leur point de vue; ce qui a poussé un groupe d’entre elles à s’isoler dans une section spéciale, afin que la «guerre des tentes» ne se propage pas.

Entre les deux groupes précités, il y en a un qui a choisi de s’adapter à la situation de manière instrumentale. Ce sont des femmes qui n’expriment pas leurs positions, se sont libérées du voile et ont préféré l’attente, dans l’espoir de voir l’équilibre des pouvoirs changer.

Au-delà de l’état
Les témoignages de femmes de l’État islamique et leurs déclarations après la chute du «califat» ne révèlent pas seulement leurs croyances, leurs projets futurs et leurs perceptions. Ils constituent plutôt, un matériau fertile pour l’analyse de la structure des relations sociales, de la nature des relations entre époux et des relations familiales en général, en plus de clarifier la relation des femmes avec leurs enfants et leurs relations avec leurs homologues. En se référant à certains témoignages, on constate une discrimination de traitement, de comportement et de privilèges entre les femmes syriennes et irakiennes d’une part, celles venant d’autres pays arabes, européens ou asiatiques et d’autres nationalités, de l’autre. Par exemple, les femmes syriennes et irakiennes peuvent sortir acheter ce dont elles ont besoin et avoir des téléphones privés, tandis que d’autres femmes ne peuvent pas communiquer avec leur famille, ce qui crée un sentiment d’oppression et de colère envers les autres.

Il existe, d’un autre côté, une différence évidente dans la manière dont les femmes traitent les caméras et répondent aux journalistes hommes et femmes. Ce qui a retenu notre attention, d’après tout ce que nous avons vu, c’est le désir d’un certain nombre de femmes tunisiennes de figurer dans les reportages vidéo. La raison en est peut-être, leur désir de faire entendre leur voix à leurs familles et à l’État Tunisien; ou peut-être, est-ce une forme de résistance et de défi à un régime qui croit fermement qu’il est (laïc) et n’adhère pas à la loi de Dieu, même après les transitions politiques depuis 2011.

Cela signifie que les femmes continuent de remplir leur fonction en appelant à l’affirmation du projet «État islamique» et à attirer les masses dans tous les événements médiatiques disponibles.

S’écartant du schéma dominant, la relation des mères avec leurs enfants est tentante à étudier, car de nombreuses femmes ont des enfants de pères de nationalités différentes, et sont fières de l’expérience de la maternité qui leur a permis selon leur point de vue, de promouvoir l’Islam avec un grand nombre d’enfants qui n’appartiennent pas à un «État du pays» qui viole les vraies lois de Dieu; et sont plutôt les enfants d’une nation islamique qui applique strictement la loi de Dieu et croit fermement, à la séparation entre infidèles et musulmans.

Malgré les problèmes méthodologiques présentés par ce matériel documenté, cet échantillon de témoignages, mérite de notre point de vue, d’être pris en compte lors de l’élaboration des politiques futures, du développement des programmes de réadaptation et de réinsertion, et de la réflexion sur le phénomène d’appartenance des filles et des femmes à des groupes militants qui n’ont que l’intimidation et le meurtre. Et effusion de sang.​


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