Le monde post-Coronavirus (Covid-19) connaît un changement majeur dans l’économie et la politique. Y aura-t-il également un changement dans les mesures de sécurité? Tout comme le Coronavirus a touché presque tous les pays du monde, la lutte contre le terrorisme continue d’occuper le plus grand nombre de pays. Le terrorisme post-Coronavirus nécessite une stratégie partiellement différente de celle qui l’a précédée. Quelles sont les caractéristiques de cette stratégie? Quelles sont les solutions les plus importantes pour neutraliser le phénomène terroriste?

Le terrorisme à l’ère du Coronavirus

La déclaration de Daech «État Islamique», rendue publique le 27 mai 2020, avec la voix de son porte-parole, Abu Hamza Al-Qurashi, affirme que l’épidémie du Coronavirus est une punition divine en raison du manque d’adhésion aux enseignements religieux. Il a exhorté ses partisans à redoubler d’opérations terroristes en disant: «Nous vous recommandons de sévir contre les infidèles, ennemis d’Allah». Malgré leur défaite militaire dans nombre de pays arabes et africains et la disparition de ce qu’ils appellent l’État du Califat Islamique, Daech, Al-Qaïda et Boko Haram poursuivent leurs opérations même avec l’émergence du Coronavirus qui a tué beaucoup de gens. Pire, ils profitent du confinement pour mener des opérations terroristes, comme cela s’est produit dans l’attentat d’Amiriya à Jizeh en Égypte en avril 2020, et l’attentat commis en Tunisie en mars 2020, à proximité de l’ambassade américaine.

Quant aux pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, où de milliers de cas de coronavirus ont été enregistrés en avril et en mai 2020, les terroristes ne les ont pas épargnés. Rien qu’en mars et avril, 47 attaques terroristes ont été commises, entraînant la mort de 409 personnes dans 14 pays africains, ce qui est un message clair de ces organisations pour signifier leur capacité subversive. Dans un documentaire diffusé par la chaîne Arabiya-Hadath, le 9 mai 2020, les détenus de Daech ont exprimé leur détermination à reprendre à nouveau leur action terroriste après leur libération et à combattre ceux qui s’opposent à eux comme étant des infidèles à leurs yeux. Nous rappelons qu’il existe des courants plus extrémistes au sein de Daech comme celui de Hazmiyeh, ce qui indique que le nombre de kamikazes est en escalade, et qu’il est impérieux reconsidérer la façon de traiter ce dossier, de développer sans tarder les programmes de réadaptation appropriés afin de préserver la sécurité de l’État et de la société, et que les milliers d’enfants et de femmes de Daech peuvent constituer un réel danger pour leurs sociétés, si ce dossier n’est pas traité scientifiquement, objectivement, juridiquement et moralement. Les pays européens se sont pressés de séparer les enfants des membres de Daech de leurs parents à leur retour pour les soustraire à la menace du terrorisme, mais dans le monde arabe, la vision demeure ambigüe.

Stratégie terroriste post-Coronavirus

Quant à la stratégie des terroristes après que la pandémie de Corona se soit dissipée, elle repose sur nombre d’éléments, dont les plus importants sont:

Poursuite des attaques au couteau, aux voitures-béliers, aux engins explosifs et aux ceintures d’explosifs, car en période de quarantaine, les organisations terroristes n’étaient plus en mesure d’avoir des armes et que le contrôle des sources de financement du terrorisme est devenu intense, bien que cela n’ait pas encore empêché ces groupes extrémistes d’obtenir de l’aide financière, par le biais d’opérations de blanchiment d’argent, ce qui impose à la communauté internationale un contrôle plus strict, des mouvements suspects des fonds.
Investir dans la révolution numérique, orienter ses supporters à se former aux cyberattaques, et produire des applications et des logiciels d’information ultra-cryptés, pour communiquer, recruter et exécuter les ordres.
Adopter une nouvelle méthode de polarisation qui fait appel aux spécialistes du numérique et à un nombre limité de supporters. Ces organisations extrémistes n’ont plus besoin d’un grand nombre de sympathisants, car tout se planifie dans l’espace virtuel.
Le recours de ces courants extrémistes à un discours religieux plus numérique qu’auparavant, qui combine les paradigmes traditionnels des anciens textes choisis de manière sélective et selon leurs convictions, les textes religieux interprétés arbitrairement selon leur vision, le tout dans un cadre technique audiovisuel en harmonie avec le contenu du discours, qui vise à mobiliser et subjuguer le public visé parmi les ignares en religion, afin de les pousser à se sacrifier si nécessaire, pour rétablir l’État de Califat, en guise de devoir religieux obligatoire ne pouvant être accompli que par le djihad et la lutte contre la mécréance, selon leur vision.
La rétribution est garantie, que ce soit dans ce monde ou dans l’au-delà. Pour ce qui est de la vie temporelle, Daech rappelle à ses partisans qu’il a réussi à établir l’État du Califat avec ses frontières, ses ressources financières, son armée et sa sécurité, son administration et sa juridiction, durant trois ans de 2014 à 2017, et que sa chute est due à la coalition des infidèles et à la trahison interne. Quant à l’au-delà, la récompense grandiose est d’accéder au paradis éternel avec ses fameuses houris. Or, ce type de discours nécessite des compétences supérieures de conviction, car il vise le lavage des cerveaux, processus critique de la formation débouchant sur la soumission complète des recrues.
Prendre soin, lors de la prochaine étape, à commercialiser l’idée du Califat virtuel, en attendant le retour au Califat géographique, et recruter des partisans pour atteindre cet objectif.
Continuer à s’activer sous le serment de loyauté et d’obéissance à l’organisation et aux ordres de ses dirigeants en toutes circonstances.
Multiplier le nombre des cellules secrètes et utiliser la technologie pour tous les préparatifs d’attentats.
Poursuivre la politique de libre initiative, c’est-à-dire permettre aux cellules de choisir le moment approprié pour mener des opérations terroristes, sans se référer au commandement central de l’organisation.
Promouvoir les renseignements terroristes, en infiltrant la sécurité gouvernementale et les services militaires, et en usant d’équipements sophistiqués.
Bénéficier des répercussions du post-coronavirus au niveau économique, en particulier dans le domaine des transactions électroniques, tel le Bitcoin (1 Bitcoin vaut, fin mai, 10.000 dollars américains), car cette monnaie sécurise les transactions terroristes, contrairement à la monnaie non-électronique.

L’expérience montre que tous les courants politiques religieux ayant des idéologies particulières font du lavage de cerveau et de l’obéissance aveugle une condition nécessaire pour la promotion au sein de l’organisation. Les faits ont prouvé qu’un nombre minime d’adeptes de ces courants a quitté l’organisation volontairement, car seules les révisions anti-idéologiques, basées sur le doute et la certitude, prennent le dessus sur le lavage de cerveau. C’est une tâche difficile qui nécessite de l’expérience, du savoir-faire et le recours aux mêmes stratagèmes de ces courants radicaux. C’est pourquoi de nombreux gouvernements, usant uniquement de la force, échouent à réduire la propagation du terrorisme. Même les centres de recherche chargés de combattre l’extrémisme religieux dans le monde arabe et en Europe n’ont pas pu produire une thérapeutique intellectuelle capable d’extirper le radicalisme.

Que faire face au phénomène terroriste?

Il y a presque unanimité entre les centres d’études et de recherche à confronter le phénomène terroriste, non seulement par les moyens sécuritaires, mais, aussi par d’autres moyens. Nous proposons donc nombre de propositions à cet égard:

Mener une étude détaillée sur les groupes affiliés aux organisations terroristes, pour ce qui est de leur environnement social, niveau des services rendus dans les domaines de la santé, éducation et travail, et la nature de leurs relations avec leurs amis à court et à long terme.
Examiner l’éducation intellectuelle et religieuse que reçoivent les extrémistes, leur orientation familiale - en particulier si la famille a des antécédents d’extrémisme religieux - ainsi que les amis et collègues qu’ils fréquentent au travail, dans les lieux de culte ou dans les ONG, car tout cela facilite la transition de l’individu à l’extrémisme.
La nécessité de produire un discours religieux éclairé et numérique qui ne soit pas à caractère moral direct, mais qui se fonde plutôt sur des enregistrements courts et judicieux d’une durée maximale de dix minutes, traitant de cinq domaines fondamentaux: Le monothéisme, le djihad, le califat, l’allégeance, et les relations entre religion et État et religion et politique. Les enregistrements vidéo doivent user de techniques modernes audio-visuelles, et d’arguments combinant l’aspect religieux et social, pour dénoncer les interprétations et solutions fallacieuses appliquant des fatwas désuètes inappropriées au monde actuel. De même, le discours numérique alternatif devra se baser sur une lecture éclairée du patrimoine mettant l’accent sur les valeurs islamiques de justice, liberté, tolérance, solidarité humaine, interdépendance, science, sécurité et consultation.
À cet égard, je propose la création de comités arabes et islamiques s’activant au niveau local dans chaque pays, pour s’organiser ensuite en comités régionaux et internationaux, chargés d’étudier le patrimoine religieux, de l’affiner de toutes les visions qui contredisent la tolérance de la religion et ses véritables objectifs en matière de justice, de sécurité et de relations pacifiques avec l’autre, dans un souci de coexistence et de reconstruction de l’univers, sur la base du noble verset: «O hommes! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. [Sourate Al-Hujurat, Verset (13)]». Le Coran appelle à l’entente et non au combat. Ces comités formés de spécialistes en sciences humaines, sociales, religieuses et économiques et d’autres spécialités, publient périodiquement les résultats de leurs travaux et coopèrent avec les institutions spécialisées telles que les centres d’études et les centres de réadaptation. Compte tenu de l’ampleur de ce projet, je propose qu’il jouisse de l’indépendance financière et intellectuelle, et qu’il puisse être placé sous la supervision de la Ligue Arabe ou de l’OCI, et que les États y participent intellectuellement et financièrement proportionnellement à leurs capacités.
Faire tarir les sources de financement de ces groupes, car les rapports récents post-Coronavirus affirment que Daech était toujours en mesure de trouver diverses sources de financement provenant de parties anonymes, de rançons d’enlèvement d’étrangers, de la traite d’êtres humains, de contrebande, ou de blanchiment d’argent.
Adopter une politique pénitentiaire spécifique pour les terroristes, en les plaçant dans des prisons à l’écart des prisonniers du droit public, et en les soumettant à un programme de réhabilitation qui évite les erreurs précédentes des révisions internes et qui soit développé par un panel d’experts en religion, psychologie et sociologie, ainsi que par des criminologues. Les détenus seront pris en charge avec une attention particulière, tout en leur permettant tout au long de leur incarcération d’apprendre une profession qui leur soit bénéfique après leur sortie de prison, et de les encadrer sur le plan social et peut-être financier après la fin de la peine, pouvant être complète ou réduite, selon leur réponse aux programmes de réinsertion. Le succès de cette entreprise, même partiellement, profite certes à la stabilité économique, sociale et sécuritaire du pays.
 

Nous croyons que la société et les États nationaux et régionaux devront intensifier leurs efforts pour la réhabilitation des extrémistes avec l’aide d’experts, en allouant des fonds et en trouvant les mécanismes nécessaires pour mettre en œuvre le programme susmentionné. On s’attend, en cas de mise en vigueur du programme de réadaptation, à ce que les deux tiers des prisonniers de terrorisme abandonnent leurs idées extrémistes, et que le tiers restant n’ait d’autre choix que d’assumer les conséquences juridiques de leurs actes dans le cadre des lois antiterroristes propres à chaque pays.

Les organisations régionales et internationales peuvent participer à l’élaboration et au financement de ces projets par le biais de séances de travail financées par ces institutions, à condition que l’État fournisse le reste du financement. Et puisque le nombre de détenus dans des affaires liées au terrorisme est très élevé, il faudrait se presser, car tout retard constitue un grand danger pour la sécurité et l’économie.

Enfin, il sied de dire que le phénomène terroriste est à présent transfrontalier et n’est plus une affaire locale ou régionale. Il sera au centre d’intérêt des pôles du nouvel ordre mondial post-Coronavirus (USA, Chine et Russie), car les intérêts de ces puissances dans la reconstruction et le commerce international sont en contradiction avec la survie du terrorisme.