Selon le rapport annuel sur les "Tendances Mondiales", publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), le nombre de personnes déplacées, jusqu’à présent, a atteint environ 7,8 millions de personnes, dont la plupart sont des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes déplacées. Plus des deux tiers de ces réfugiés viennent de seulement cinq pays, avec à leur tête les Syriens qui en constituent le tiers puis se placent après eux les réfugiés d’Afghanistan, du Sud-Soudan, du Myanmar et de Somalie. La moitié des réfugiés, dans le monde, sont des enfants et des jeunes de moins de 18 ans.

En fait, les réfugiés et autres personnes déplacées appartiennent aux groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables de la société, qui manquent le plus de soins et de protection lors du déclenchement de la pandémie de Coronavirus, étant les plus incapables d’avoir accès à l’eau, aux systèmes d’assainissement et aux facilités d’hygiène de base.

Compte tenu des faibles niveaux d’assainissement et d’hygiène dans les camps, le HCR a averti qu’il est difficile de protéger les réfugiés exposés au Coronavirus, surtout qu’une grande partie de la population des camps est composée d’enfants, pour qui il est difficile de comprendre la nécessité de la distanciation sociale et le recours constant au nettoyage et au lavage des mains en particulier, d’autant plus que les camps de réfugiés sont un environnement très encombré, ce qui rend la question du confinement très difficile à réaliser.

La récente migration de plus de 4 millions de réfugiés, en raison de la guerre en Syrie, a une fois de plus soulevé des doutes quant à la possibilité que les camps de réfugiés deviennent des incubateurs de groupes extrémistes violents. En outre, de nombreux réfugiés sont victimes de discrimination et sont considérés comme des facteurs potentiels de propagation du virus.

La dernière décennie a connu la plus grande vague de déplacements depuis la Seconde Guerre Mondiale, en raison d’une multitude d’événements, dont le facteur commun entre eux est l’instabilité politique due aux guerres et aux conflits armés. Cela a rendu la crise humanitaire plus grave, avec près d’un million de Syriens fuyant vers la frontière syro-turque depuis Décembre 2019, en raison des violents combats dans la région d’Idlib entre les rebelles et les forces gouvernementales syriennes.

Ce conflit a contraint des millions de personnes à quitter leurs villes et villages, où ils vivaient dans le confort et en sureté, et à migrer vers d’autres pays, dont la Turquie, qui à elle seule accueille déjà 3,7 millions de réfugiés syriens. Les pays en développement, dont le Pakistan, la Turquie, l’Ouganda, le Liban, le Bangladesh et le Soudan, ont été contraints d’accueillir le plus grand nombre de réfugiés.

Outre la difficulté de s’échapper des zones de conflit, de nombreux réfugiés sont victimes de discrimination et taxés d’extrémisme et de terrorisme. Alors que des dizaines de recherches indiquent que la plupart des réfugiés sont en fait des civils innocents, des personnes âgées, des femmes et des enfants qui tentent d’échapper aux ravages et aux malheurs de la guerre, certains médias décrivent ces réfugiés comme des ennemis et des terroristes masqués portant des ceintures explosives.

Le rapport de M. Emerson, (Rapporteur Spécial des Nations Unies et Expert de Lutte Contre le Terrorisme et des Droits de l’homme pour 2016), a confirmé qu’il n’y a aucun lien entre la migration et l’augmentation des activités terroristes. Au contraire, les politiques d’immigration préventives et discriminatoires intensifient les déplacements de clandestins par le biais de personnes impliquées dans la traite des êtres humains et «peuvent en fin de compte aider les terroristes et conduire à une augmentation de l’activité terroriste».

Le rapport a également révélé que "bien qu’il n’y ait aucune preuve que la migration entraîne une augmentation de l’activité terroriste, les politiques d’immigration restrictives qui violent les Droits de l’homme peuvent en fait créer des conditions propices au terrorisme".

Le Rapporteur Spécial a averti que, si la plupart des Européens pensaient que l’augmentation du nombre de réfugiés était nécessairement liée à davantage de terrorisme, la plupart des réfugiés fuyant l’enfer des guerres au Moyen-Orient et dans d’autres régions touchées étaient en fait des victimes du terrorisme et ne devaient pas être stigmatisés comme terroristes potentiels.

De plus, la montée des mouvements d’extrême droite aggrave les choses. Ces mouvements dénigrent les réfugiés et les considèrent comme une menace étrangère à laquelle il faut à tout prix s’opposer, de même que de nombreux politiciens jouant sur la tendance du nationalisme, soulèvent les problèmes de chômage et de sécurité, considérant que les réfugiés sont responsables de tout cela.

Une autre cause profonde de la haine profondément enracinée contre de nombreux réfugiés et de la répulsion qu’ils rencontrent résident dans "l’islamophobie". De nombreux médias, en particulier dans les pays occidentaux, affirment que les musulmans sont des fanatiques incapables de s’intégrer et qu’ils sont vulnérables au terrorisme et à la violence. Certains pays interdisent même explicitement l’entrée des réfugiés musulmans, faisant preuve de discrimination ostentatoire à leur encontre.

D’autre part, l’ignorance, la haine et le mauvais traitement des réfugiés peuvent attiser les actes terroristes, sous l’impulsion des sentiments d’injustice, de tristesse, d’anxiété, de culpabilité, de désir de vengeance ou à cause de la mauvaise interprétation des textes religieux par des extrémistes.

Les réfugiés ressemblent donc davantage à des bombes à retardement qui peuvent être exploitées par des groupes extrémistes violents. L’ancien Ministre Malaisien de la Défense, Mohammed Sabo, a explicitement averti que les réfugiés déplacés pouvaient être recrutés par les groupes terroristes tels que Daech, et a souligné la nécessité d’efforts collectifs concertés pour empêcher les réfugiés de sombrer dans les labyrinthes de l’extrémisme.

Le processus de désamorçage de l’extrémisme par le biais des programmes existants nécessite le recours aux méthodes de traitement indirectes, en plus du soutien social adéquat pour empêcher les réfugiés, en particulier les jeunes, de devenir la proie du terrorisme, tout en cherchant à éliminer les problèmes dont souffre la société, en particulier le chômage et la pauvreté.

Dans ce contexte, la communauté des réfugiés doit être sensibilisée sur la manière d’éviter l’extrémisme, de bien former certains segments de la société, afin qu’ils puissent comprendre les façons dont la pensée extrémiste s’infiltre dans la société, et connaître les indicateurs selon lesquelles une personne pourrait être exposée au danger de l’extrémisme et les mesures à prendre à cet égard. Il est également indispensable de renforcer la capacité des réfugiés à résister à l’extrémisme, à l’outrance et au radicalisme en œuvrant à améliorer leur propre estime et leur confiance en eux-mêmes, et en renforçant le concept d’inclusion et de cohésion communautaire. Les gouvernements, les ONG et les institutions sociales doivent soutenir les réfugiés et les aider à s’ancrer dans la société.

En outre, les États doivent adopter une politique collective globale et coordonnée, afin de gérer correctement la crise des réfugiés et les empêcher de sombrer dans les gouffres du terrorisme.

Dans ce monde numérique, les individus sont devenus plus connectés que jamais, de sorte que les extrémistes violents utilisent de plus en plus des messages codés, et leur objectif est d’attirer et de recruter les jeunes via les médias sociaux. Les grandes entreprises technologiques, dont Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube, ont convenu que la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent est un problème mondial urgent et un défi majeur pour tous, ce qui exige que les gouvernements et les régulateurs, ainsi que les compagnies des médias sociaux, coopèrent pour garantir que les plateformes numériques ne soient pas utilisées par les extrémismes et pour surveiller et éventuellement fermer les groupes de discussions qui promeuvent l’extrémisme.

Dans ce contexte, il est à noter que la pandémie du Coronavirus qui a nui à la situation économique, causera des difficultés économiques réelles à nombre de pays, ce qui devra renforcer le ressentiment contre les réfugiés accusés de contribuer à aggraver la situation par leur présence. Aussi, faudrait-il changer cette mentalité et faire face à cet état d’esprit, à travers la sensibilisation via tous les moyens de communication disponibles, afin de souligner l’importance de la coopération et de la solidarité en vue de vaincre l’épidémie et ses répercussions, tout en réaffirmant que les réfugiés font partie de ce front antivirus et constituent des lignes de défense dans les sociétés auxquelles ils ont adhéré et dont ils constituent un élément important, ce qui leur donne une importance croissante et en fait un élément de force et non de faiblesse, et une lueur d’espoir qui pointe au bout de ce tunnel.