L’émergence de Daech a confondu de nombreux politiciens, militaires et experts de sécurité, ainsi que des chercheurs dans le domaine de l’étude de l’extrémisme et du terrorisme, car l’organisation a réussi en peu de temps à attirer de nombreux partisans, sympathisants et combattants, hommes et femmes. L’adhésion des femmes aux organisations extrémistes et terroristes n’est pas chose nouvelle, ni une exclusivité de Daech. Historiquement parlant, les femmes ont adhéré à des organisations terroristes et contribué à des actes terroristes, et pas uniquement à la promotion d’idées extrémistes ou à faire office d’incubatrice sociale pour l’extrémisme. 

La Chercheuse “Fanny Bugnon”, a évoqué, dans son livre “Les Amazones de la terreur”, les tâches assurées par les femmes dans les organisations terroristes, comme l’Armée Rouge en Allemagne; un groupe de gauche qui a adopté la violence armée lors de ses manifestations et a provoqué ce qu’on a appelé “l’automne allemande”. En 2017, le Ministre allemand de l’Intérieur a considéré que ce groupe ressemble à Daech, qui cherchent, tous les deux, à saper les fondements de la société et à la terroriser.

Modèles de femmes terroristes 

Fanny a révélé les types des femmes terroristes affiliées à des organisations terroristes, indiquant qu’il existe des modèles de femmes qui rejoignent les terroristes en raison de leur attachement affectueux à un homme actif dans l’organisation. Un autre modèle rejoint les terroristes en raison d’une réelle tendance à la violence et à la vengeance, et une troisième catégorie se leurre de tromperie sur les mythes des femmes combattantes et belliqueuses, comme il en existe dans la mythologie grecque et les contes des femmes amazoniennes.

Ce qui distingue Daech, c’est l’adhésion en nombre des femmes à l’organisation, bien que le groupe adopte envers les femmes un discours agressif, truffé de signes d’insultes envers la gent féminine, outre les pratiques signalées par certaines femmes repenties de Daech, telles que le harcèlement sexuel, l’exploitation des femmes étrangères contraintes de se remarier, chaque fois que le mari est tué, sous prétexte d’interdire à la femme de rester à l’intérieur de l’organisation sans mariage, au point que des récits circulaient sur les maris emprisonnés, obligés d’aller loin ou envoyés se faire exploser pour se procurer leurs épouses.

Et comme le recours aux femmes de différents pays était une priorité de Daech pour en attirer le plus possible, le discours du mouvement réserve une variété de tâches aux femmes. Elle est partenaire du djihad, gestionnaire, missionnaire, prédicatrice, et se charge du “divertissement des héros”. Mais elle est également une captive et une esclave à vendre. Il s’agit d’un discours qui conjugue les «honneurs pragmatiques» à la «chosification mercantile»!

Les femmes sont également présentes dans le «discours doctrinal» de Daech, qui adopte nombre de croyances, dont l’obligation pour la femme de se couvrir le visage, bien que la question soit juridique et ne fasse pas partie des croyances. Le 19e article de cette doctrine stipule: «La femme est tenue par obligation légale de se couvrir le visage, .. d’éviter la mixité et de s’astreindre à la chasteté et la pureté. Abou Omar al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi».

Dans ce discours, le dogme de Daech appelle les femmes au voile et à la chasteté, mais en pratique, il viole ce principe selon le bon vouloir et le besoin. La publication (Sawlat Al-Mouwahidin) a montré des femmes participant au combat le visage découvert, afin d’obtenir du soutien et d’attiser les sentiments pour recruter de nouvelles sympathisantes. En plus de cela, l’apparition de femmes au combat a exprimé une véritable crise vécue par l’organisation lors de ses dernières étapes avec un manque flagrant de combattants, ce qui constitue une deuxième violation de ce que l’organisation avait annoncé dans l’une de ses publications à savoir que par principe la femme n’est pas vouée au Djihad et que la charia ne le lui imposait pas. Aussi, l’organisation avait-elle interdite d’emmener des femmes sur le champ de bataille par crainte de captivité, ce qui confirme que l’organisation ne voit pas d’inconvénient  à déshonorer la femme pour servir ses objectifs!

Le discours de l’entité comprend une série de justifications sur la nécessité pour les femmes d’adhérer à Daech et de rejoindre “l’État du califat”. Le Magazine “Al-Shamikha” est une plateforme dédiée à la diffusion de ce discours, et le terme Shamikha littéralement “Majestueuse”, suggère que la militante ou la guerrière de Daech, ou en d’autre terme l’esclave de Daech est le symbole de la gloire féminine.

Modèles de Majestueuse!

Le magazine “Al-Shamikha”, raconte le djihad et la vie de famille de l’épouse d’un combattant tué dans l’une des batailles de Daech. Le récit vise à motiver les femmes de l’organisation à encourager leurs maris à se battre et à faire preuve de retenue et de patience, car la mission de la femme est, principalement, d’inciter les hommes à appeler de leurs vœux le martyre. On leur rappelle à ce propos les histoires des Mères des croyants et des femmes ayant accompagné le messager d’Allah (S) et leur effet pionnier sur le djihad avec le Messager de Dieu, Paix et Salut d’Allah sur Lui. Dans le reportage réel ou fictif, soit-il, rapporté par le magazine Al-Shamikha, avec cette femme, il est question de la capacité de la femme à fournir aux combattants de Daech le soutien psychologique nécessaire, dissipant ses doutes, supprimant ses faiblesses et ses hésitations, et le chargeant émotionnellement et religieusement, à se lancer dans la bataille, derrière le Chef et le Calife présumé. C’est pourquoi l’éditorial du magazine Al-Shamkha, (numéro 1, Rabi ‘al-Awwal 1432H), indiquait ce qui suit: “La nation islamique a besoin de femmes conscientes de leur religion, et de la vérité et l’ampleur de la bataille, ainsi que du rôle qui leur incombe. Le temps de la négligence et de la naïveté est révolu et il est grand temps que les Majestueuses de contribuer à bâtir la gloire de la nation. La femme musulmane est l’éducatrice de la prochaine génération, le soutien, l’aide et l’adjuvant des chevaliers d’aujourd’hui parmi les héros de l’islam”.

La sémiologie du texte de Daech rehausse la valeur de la femme, si et seulement si, elle fait partie des “Majestueuses”, c’est-à-dire si elle participe “activement”, à la “sédition” de Daech. Ainsi, la mère de Muhannad, qui a perdu son mari dans l’une des batailles de Daech, rapporte: «Après le mariage, j’ai dit à mon mari: Toutes les qualités auxquelles j’aspirais, je les ai trouvées en vous: Bonne morale, engagement et savoir, à part une seule chose (je voulais dire le djihad jusqu’à la mort). Il dit alors - que Dieu l’agrée -: «Continue donc à prier jusqu’à ce que toutes tes prières soient exaucées».

L’homme n’est parfait pour la femme chez Daech que s’il est impliqué dans le combat, et la femme affiliée au groupe, ne demande pas à son mari des bijoux et ses robes, mais l’appelle à distribuer son salaire pour soutenir le djihad en Afghanistan et en Tchétchénie.

Daech brosse une image spécifique de la femme Majestueuse. C’est une femme qui n’est pas intéressée à fonder une famille que dans les régions où l’on déclare le djihad; c’est une femme entièrement au service de la cause de l’organisation. Toujours, dans le même numéro du Magazine “Al-Shamikha”, la mère de Walid conseille les femmes en disant: “La première étape sur le chemin du djihad est de jeter le monde entier derrière votre dos”. C’est un discours qui prépare psychologiquement les femmes à l’autre vie. Des femmes de nombreux pays ont rejoint l’EI, même d’Europe, et n’eut été les efforts considérables déployés pour empêcher cet afflux féministe chez Daech, la catastrophe aurait été pire.

Captives ou prostituées?

L’afflux des femmes à rejoindre Daech a été possible grâce à la propagande intensive du groupe via Internet ainsi qu’au recrutement direct. Dans le même numéro du magazine, la Mère de Ghadir énumère les bienfaits d’épouser un moudjahid disant: «Ma sœur en Dieu, la vie avec un Moudjahid, c’est la félicité qui mène, si Dieu le veut, à la félicité de l’au-delà. Dans cette vie, vous ressentirez le plaisir de faire le bien et la douceur d’obéir, et vous connaîtrez le sens de sacrifier sa vie pour un principe, une cause et une lutte”. 

L’affiliation féministe à Daech ne s’explique pas uniquement par l’attractivité de son discours manipulant les concepts religieux et appelant à rejeter la vie contemporaine et son lot d’injustice, de décadence morale et d’absence de virilité, mais aussi pour des raisons personnelles qui transparaissent dans les discours des femmes de Daech. Certaines femmes affiliées à Daech rêvent d’acquérir «l’honneur de défendre la nation» et d’appartenir au «groupe méritant le salut». Il s’agit d’un discours visant à prouver le droit des femmes à l’égalité avec les hommes dans l’héroïsme et dans l’édification de l’État Islamique. Les femmes ne sont pas seulement subordonnées et soumises. Au contraire, elles sont audacieuses et capables de se distinguer et d’exceller les hommes, notamment ceux qui «renoncent» au combat.

Plusieurs femmes du Maghreb arabe ou d’autres pays arabes et islamiques participent à la formulation de ce discours, dont Fatihah Al-Hassani, connus sous le nom d’Om Adam Al-Majati, et qui a été honorée par Daech en 2015. Dr. Iman Bint Mustafa Al-Bagha, Spécialiste de Jurisprudence Islamique et issue d’une famille d’érudits en Syrie, est un modèle déroutant, car elle n’a pas été seule à rejoindre Daech, mais aussi son fils y a adhéré et a été tué dans la bataille. Elle a donné ses deux filles en mariage à des combattants de Daech et encouragé les mères à en faire de même. Elle a défendu la légitimité de l’État Islamique et a déclaré sur son compte sur Facebook, avoir découvert qu’elle était adepte de Daech avant même sa fondation. 

Parmi les exemples des femmes de Daech, citons Hayat Boumediene, dont les motivations à rejoindre l’EI, terre régie par la Charia, se confondaient avec son amour pour Amédy Coulibaly, tué dans un magasin juif lors d’une prise d’otages, et son désir de le venger!

Une autre catégorie des femmes de Daech se distingue par le désir d’effacer le passé profane, de purifier le présent immonde et libertin à travers la «repentance de l’EI», tout en s’offrant en offrande à l’organisation, pour se purifier des souillures! Il existe également une autre classe de femmes à la recherche de la virilité et du vrai musulman combattant et courageux.

Comble de l’ironie, on trouve aussi des discours féminins qui justifient le droit des hommes de Daech d’exploiter les femmes du groupe et d’en jouir en échange de leur liberté. Parmi eux, la mère de Somaya al-Muhajir, qui a publié un article intitulé “Esclaves ou prostituées?”, dans le Magazine “Dabiq”, (N°9 1436H), où elle dit: “Oui, Dieu a permis à ses fidèles de conquérir les villes, et d’investir les maisons, tuant les guerriers infidèles et prenant en esclaves leurs femmes et leurs enfants ...!” De la sorte Daech a transformé son harem et les femmes ayant fui les «sociétés des tyrans», en adeptes de la brutalité, envers les femmes et de leur humiliation.

Daech a fait de ses femmes des bourreaux, des gardes-chiourmes, des espionnes et des tortionnaires dans les lupanars du déshonneur.

Le discours de Daech formulé par des hommes ou des femmes du groupe est sans aucun doute une déviation dangereuse des objectifs de la charia islamique basée sur la sauvegarde de l’honneur, tout autant que de la religion, la vie, la raison et les biens. A travers ses exactions, Daech, ne semble pas être conscient des conséquences de ses agissements, dont notamment de déformer l’image de l’Islam, permettre aux ennemis de la religion de ridiculiser les musulmans et de les accuser de brutalité et de barbarie. Aussi, les sociétés islamiques devraient-elles formuler des systèmes intégrés qui permettent de sensibiliser les femmes et les préparer à contribuer à la protection de la sécurité sociétale.