L’Europe, les États-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande connaissent une recrudescence régulière de l’hostilité envers les musulmans et leurs croyances, ce qui a attiré l’attention des analystes et des responsables politiques. Les agressions contre les citoyens musulmans pratiquants dans ces pays se sont intensifiées, notamment les tirs aux armes à feu contre les fidèles dans les mosquées ou les agressions corporelles contre des personnes soupçonnées d’appartenir à la communauté musulmane. Ce harcèlement se produit souvent dans les rues, les transports, les lieux publics et les médias sociaux à travers les insultes et la violence verbale.

Indicateurs de recrudescence

Les indicateurs officiels confirment l’intensification des attaques verbales et des menaces sur les réseaux depuis 2017 à ce jour. Des statistiques sont publiées par des associations concernées par le suivi du phénomène d’islamophobie, notamment: «L’Observatoire de la Citoyenneté Contre l’Islamophobie», qui publie des rapports annuels pour mesurer la gravité de ce phénomène en Espagne. Des organisations similaires se basent dans d’autres pays européens. La plupart des incidents qualifiés d’antimusulmans en Espagne se produisent dans le monde virtuel, de l’ordre de 70% des cas. Une organisation britannique a enregistré une croissance similaire ces dernières années, avec une augmentation régulière de 26% par an, entre 2016 et 2017.

Ces chiffres ne diffèrent pas de manière significative des chiffres enregistrés en France, l’Association nationale contre l’islamophobie enregistrant une croissance régulière du phénomène. Cette escalade est due à l’enracinement de l’islamophobie dans des cercles sociaux spécifiques, suite aux attentats terroristes très médiatisés adoptés par des organisations djihadistes dans certaines grandes villes européennes, à Paris, Londres et Manchester en particulier. En Grande-Bretagne, le Conseil Islamique a averti que des représentants de partis politiques non attribués à l’extrême droite contribuaient à attiser la haine contre les musulmans. Le Conseil a enregistré 300 cas de provocations contre l’Islam et les musulmans, commis par les dirigeants du parti conservateur au pouvoir, ce qui montre l’ampleur de l’islamophobie parmi l’élite politique britannique. Il est à noter que ce phénomène affecte aussi des dirigeants européens qui se distancient de l’extrême droite.

 Il s’agit en fait d’une stratégie dans laquelle excellent toutes les forces d’extrême droite européennes en vogue dans les urnes. Les déclarations offensantes envers les musulmans ont apporté aussi de l’eau au moulin des partis de droite modérée.

 Invasion dangereuse

La campagne contre l’Islam et les musulmans ne se limite plus à certains politiciens ou citoyens ordinaires, mais s’étend aux écoles et aux universités. Des commentaires et des expressions islamophobes de professeurs dans les centres éducatifs ont été détectés, ainsi que des comportements violents envers les étudiants musulmans. Au Royaume-Uni, un enseignant dans une école élémentaire a été licencié pour avoir qualifié l’Islam de “cancer du monde” et de “religion maligne” sur les réseaux sociaux, et pour avoir encouragé ses élèves à partager ses vues radicales! Ces exemples constituent la partie visible de l’iceberg tellement la scène européenne témoigne d’une hostilité permanente envers les communautés musulmanes.

Il ne fait aucun doute que les attentats terroristes en série perpétrés dans nombre de capitales occidentales au cours des cinq dernières années ont contribué à répandre les germes de la haine parmi des groupes spécifiques d’Européens, mais cela est dû également à l’incapacité des autorités européennes à adopter un discours logique pour restaurer la crédibilité des communautés islamiques et les différencier des djihadistes obstinés. Les politiques publiques ont souvent conduit par inadvertance à la diffusion des concepts «islamophobes», à travers l’utilisation de termes comme «islamique», «musulman extrémiste» et «militantisme islamique», dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.

Ces expressions et ces slogans initialement émis par des partis proches de l’extrême droite, tels que “Islamo-fasciste”, désignent des groupes djihadistes dictatoriaux, or ces termes occidentaux donnent un aspect négatif à tout ce qui est oriental, tel le terme «fasciste» dénotant des connotations les plus diverses.

Ces mouvements se nourrissent des actes odieux de groupes extrémistes prétendant être «islamiques», en particulier les attentats à la bombe dans les villes occidentales, et l’assassinat d’otages occidentaux en Syrie, en Irak et en Afghanistan, instituant une relation dialectique entre l’islamophobie et l’extrémisme djihadiste, à travers laquelle chacun ravive l’autre. Les partis anti-islam masquent leur outrance derrière les slogans de droit et de défense des libertés publiques et individuelles.

Des études, sur le terrain, menées en Allemagne, France et Grande-Bretagne montrent que l’aura démocratique que s’attribuent ces courants revendiquant leur droit de qualifier l’Islam de “système dogmatique qui ne respecte pas le pluralisme et les valeurs de la civilisation” est un subterfuge pour soutenir et financer leurs activités. Or, c’est là qu’échouent les gouvernements, institutions officielles et société civile, incapables de mettre fin à la rhétorique d’incrimination de l’Islam, et de formuler un discours qui distingue entre l’Islam et les musulmans d’une part, et l’extrémisme religieux et les djihadistes de l’autre.

 L’image de la femme musulmane

Le discours anti-islam accorde un intérêt explicite à l’image de la femme musulmane, de sorte que les autorités chargées de surveiller les manifestations de haine envers les musulmans focalisent sur la vision hostile à la femme musulmane, et en particulier à la femme voilée qui se distingue facilement des autres. Les associations anti-islamophobes affirment que trois attaques physiques ou verbales sur quatre enregistrées dans de nombreux pays occidentaux et en Australie contre les communautés musulmanes ciblent les femmes.  

Les organisations extrémistes de droite s’efforcent de déformer l’image de la femme voilée, en tant que femme qui nie sa féminité et se plie au diktat phallocrate. En Espagne et ailleurs en Europe, des cas de jeunes s’attaquant à des filles musulmanes dans les transports publics et publiant leurs actes sur Internet ont été enregistrés. Les organisations de droite instrumentalisent le traitement brutal infligées aux femmes voilées par les services de sécurité dans des lieux publics. En France, par exemple, la police force des femmes musulmanes à enlever leur foulard dans les aéroports pour des raisons de sécurité. Ces incidents sont très médiatisés sur les réseaux sociaux, par les partisans des mouvements racistes pour semer la panique. Ce qui est étrange, c’est que la tendance à accepter ces harcèlements contre les femmes voilées est évidente auprès des organisations de droite qui les justifient sous prétexte de lutter contre l’«islamisation» de l’Europe.

A ce niveau, il est intéressant d’examiner le concept de droits démocratiques et de liberté d’expression dans le discours d’extrême droite, qui interdit toute déclaration qui offense les valeurs supérieures, telles que l’unité du pays, le respect des rituels nationaux et les valeurs chrétiennes, mais il se montre indifférent si l’objet d’agression est un rituel ou une personnalité islamique. Ainsi, le Front National a organisé une campagne pour la défense d’une jeune fille française qui a filmé un clip vidéo sur l’Islam, et soutenu son droit à insulter la religion islamique, mais il ne fait pas preuve de la même souplesse si l’insulte vise la religion chrétienne!

 Expansion de l’extrême droite

Les partis extrémistes de droite adoptent une idéologie raciste par excellence, et usent de belles paroles pour redorer le blason de leur idéologie fondée sur un faux concept de la citoyenneté. Ils évoquent l’«ennemi musulman», en tant que point de convergence de tous les maux des sociétés non occidentales. Ces partis instaurent un climat politique et social sulfureux, au point que le Conseil Européen contre la Discrimination et l’Intolérance, a affirmé dans son rapport annuel en 2019, que le continent européen est confronté à une réalité choquante, à savoir la recrudescence des agressions contre les musulmans en termes de quantité et de qualité, et que cette campagne d’insultes et d’offenses est très visible sur les médias sociaux. Le Rapport appelle à des efforts concertés de tous les pays européens pour contrer l’extrême droite, faire justice à la religion islamique et la distinguer de l’extrémisme que prônent les groupes terroristes. Cependant, le chaînon manquant dans ces appels est que l’extrême droite assume désormais des pouvoirs exécutif et législatif dans de nombreux pays occidentaux. L’islamophobie a conduit à classer les agressions contre les musulmans dans la case des incidents individuels qui n’expriment pas un courant idéologique présent dans la société. Les groupes extrémistes de droite qui ont fait des progrès significatifs dans les élections prétendent ne pas enfreindre la loi, pourtant leur politique envers les immigrés et les musulmans et le lien qu’ils établissent entre la criminalité et l’immigration clandestine sont très préjudiciables à la cohésion sociale.

 Manipulation de la pandémie du Coronavirus

Il est évident que la droite extrémiste européenne et américaine chasse dans les eaux troubles de l’épidémie de “Coronavirus”, dans un contexte où l’on a beaucoup évoqué le terrorisme biologique. Une fois de plus, la pandémie mondiale actuelle a mis en évidence la convergence du terrorisme djihadiste et de l’extrême droite raciste dans une entreprise opportuniste, visant à bénéficier d’une crise mondiale qui a touché des centaines de milliers de personnes et causé l’effondrement du système économique mondial. Alors que nombre d’organes djihadistes et de droite ont expressément déclaré leur espoir que la maladie se propage dans les maisons de l’ennemi, il existe une crainte palpable que les associations les plus criminelles des deux camps ne cherchent à développer des armes virales. Les partis d’extrême droite en Europe ont profité de la situation pour blâmer les immigrés.

Au début de la crise, l’ancien Premier Ministre Italien et Chef de l’élite nationale Matteo Salvini, célèbre pour ses critiques sévères de l’Islam, a appelé à fermer les frontières et durcir les politiques d’immigration, en particulier face aux Africains, malgré le faible taux de victimes en Afrique. Des organisations en Autriche et en Suisse ont appelé à imposer le couvre-feu aux étrangers comme meilleur moyen de contenir l’épidémie. Pendant ce temps, la dirigeante du Front National, Marie Le Pen, n’a pas tardé à lancer une campagne acharnée contre l’Union Européenne, pour ne pas avoir maîtrisé l’épidémie et adopté une politique réaliste de contrôle de l’immigration. Pire, le Président hongrois Viktor Orban, qui se dit à l’écart de l’extrême droite, a affirmé que l’immigration, et non l’épidémie, est le principal dilemme en Europe! Le chef du parti espagnol “Fox”, Santiago Abascal, a appelé à l’imposition de frais spéciaux aux immigrés qui souhaitent bénéficier de l’assurance étrangère, même s’ils sont infectés par le virus.

L’extrême droite profite de toute occasion pour renforcer sa rhétorique antimusulmane et créer un environnement propice à des mesures plus sévères à l’égard des étrangers en Europe, alors que les groupes racistes sont fin prêts à traduire les sentiments de haine en actes terroristes.