​L'interconnexion d'Al-Qaïda, le groupe Nosrat Al-Islam au Mali et Almoravides, de certains acteurs politiques et militaires et des populations locales dans les pays du Sahel et d'Afrique de l'Ouest a conduit à une intensification de la violence extrémiste dans la région. L'insuffisance des contrôles aux frontières, l'insuffisance des renseignements, l'augmentation des problèmes de sécurité, l'extension des problèmes socioéconomiques ont exacerbé les craintes de la facilité de déplacement des groupes extrémistes et de la croissance de la radicalisation au Ghana, au Togo et au Bénin. C'est pourquoi des efforts concertés au niveau régional et national sont nécessaires pour faire face à l'escalade du terrorisme et l'éradication de ces causes profondes.

Origine de l'extrémisme

Après la fin de la crise libyenne, des milliers de réfugiés armés, notamment des Touaregs, ont été rapatriés dans leur pays d'origine avec un équipement militaire immense. En raison de leur aspiration constante à l'autonomie; les Touaregs du Mali ont attaqué, en janvier 2012, le gouvernement central, culminant avec le coup d'État de mars 2012 et tuant le Président malien Amadou Toumani Touré.

Ces événements ont lancé le Mouvement National de Libération de l'Azawad qui s'est proclamé État indépendant. Les combats fatals entre le MNLA et ses alliés d'Al-Qaïda se sont intensifiés au Maghreb Islamique, ainsi que l'expansion du Front Islamique Radical au Sahel. Les violentes attaques d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique, d'Ansar Al-Din, du Mouvement Tawhid et Jihad au Nord du Mali se sont intensifiées puis au Centre du Mali, à la fin de l'année 2013, avant de s'étendre au Niger et au Burkina Faso en 2016.

Jamaat Nosrat Al-Islam

Les observateurs soulignent que le groupe de Nosrat Al-Islam a été créée en mars 2017, en réponse aux attaques menées contre ces pays par des forces internationales, régionales et nationales conjointes, telle que l'opération Barkhan sur le Sahel africain. Quatre groupes se sont réunis: Ansar Al-Din, le FLM, les Almoravides et la branche sahraouie d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique. Lors de l'annonce de la création du groupe. Son émir, Iyad Ag Ghali, a promis l'allégeance au chef d'Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri.

La création de la communauté Nosrat Al-Islam w Al-Moslimine représente nettement une transgression des barrières ethniques et sociales locales en faveur de l'extrémisme transfrontalier puisqu'elle comprend des représentants de différentes races. Alors que le groupe cherche à étendre ses activités au-delà du Mali, le FLM sous la direction d'Amadou Koufa a lancé une série d'attaques violentes au Burkina Faso. En dépit de la ramification interne de ces groupes, des changements continus et des menaces incessantes proférées par les groupes qui s'étendent dans les régions du nord des États du Sahel à l'Ouest de l'Afrique, ils ont continué à mener des opérations de sabotage avec beaucoup d'ampleur, sans toutefois réduire leurs capacités.

En mai 2019, deux français et leur guide local ont été enlevés dans le parc national de Pendjari au Bénin et quatre douaniers ont été tués au Burkina Faso. Le prêtre espagnol Antonio César Fernández a été assassiné près de la frontière entre le Togo et le Burkina-Faso, révélant ainsi l'ambition de ces groupes d'étendre leurs activités à de nouvelles régions.

Extension d'influence

L'attaque militaire menée par les forces conjointes a affaibli les capacités des groupes extrémistes à l'Ouest d'Afrique et dans certaines parties du Sahel, mais de nombreux indicateurs montrent que ces groupes sont capables de se remettre sur pied comme avec la reprise des attaques terroristes au Nigéria, au Mali et au Burkina Faso par Daech et Boko Haram et de l'extension des activités violentes dans les parties nord de l'Ouest d'Afrique. La question qui serait donc: Quel est le secret de la résistance de ces groupes armés?

Ces groupes, en particulier le FLM et le Front Ansar Al-Islam, ont propagé des récits sur l'injustice dont la population est victime. Ibrahim Dicko, un militant de la violence extrémiste au Burkina Faso, a tissé un récit sur la violence des forces de sécurité qui s'emploient pour chercher des extrémistes dans la province de Som et sur les injustices dont sont victimes certaines populations de cette région. Ces récits ont contribué à l'extension de la radicalisation, en particulier chez les jeunes, la légitimation de leurs actions et à l'augmentation de l'appui collectif dans les zones d'influence. Ils se sont également servis de l'appui apporté à d'autres groupes fondamentalistes et Salafistes mondiaux, ce qui accentue l'importance de leurs activités et rendent l'environnement fragile et la violence croissante.

Mauvaise gestion

La plupart des institutions de sécurité de la région sont très vulnérables ce qui en fait un refuge pour les groupes qui cherchent une place sur la carte politique. Les frontières fragiles ont facilité le mouvement des combattants étrangers (mercenaires), le trafic d'armes, la prolifération des approches extrémistes, les enlèvements et les vols. Ces zones frontalières vulnérables ont permis à ces groupes d'avoir un abri large, d'avoir une influence sur les communautés locales et de construire une chaîne d'approvisionnement pour financer leurs activités terroristes et atteindre leurs objectifs extrémistes. La route du commerce et de l'immigration relie l'Ouest de l'Afrique au Burkina Faso, au Ghana et à Toguei, où des armes sont introduites clandestinement. Les groupes exploitent le Bénin, la Cote d'Ivoire, le Ghana et le Togo en les transformant en des sources d'appui. Les revenus tirés du commerce des armes, des vols, des enlèvements et des économies illicites permettent à ces groupes de subsister, à former des combattants et à recruter de nouveaux membres.

Relever les défis

Les États du Sud-Ouest de l'Afrique ont mis en place un certain nombre d'initiatives pour faire face à la propagation de l'extrémisme violent; on peut en citer l'Initiative d'Accra, lancée le 14 septembre 2017 par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo visant à créer un corps uni pour l'harmonisation de la coopération entre les États du Sud-ouest africain pour faire face à ces problèmes de sécurité grâce à l'échange d'informations, entrainement du personnel de sécurité et du renseignement, et la conduite d'opérations militaires transfrontières conjointes. L'initiative vise à lutter contre le crime organisé dans les zones frontalières, à aider les États membres à démanteler les réseaux terroristes et à empêcher que leurs cellules ne s'étendent, empêcher l'asile politique des terroristes.

Au niveau régional, ces États ont mené, dans le cadre de cette initiative, trois opérations majeures, sous le nom de Koudalgou. En mai et novembre 2018, les opérations Koudalgou I; et II menées conjointement par le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana et le Togo; et l'opération Koudalgou III lancé par le Ghana et le Togo et qui avait pour but de prévenir les activités terroristes et l'extraction illégale des ressources naturelles, le trafic de stupéfiants, d'armes illicites, la contrebande et d'autres crimes transnationaux. Cette opération a abouti à l'arrestation de quelque 170 terroristes et suspects.

En mai 2020, une opération conjointe Burkina Faso-Côte d'Ivoire, nommée Opération Komo, a permis l'arrestation de 38 personnes soupçonnées d'être impliquées dans des actes terroristes, dont 24 hommes au Burkina Faso et 14 en Côte d'Ivoire, et a permis la destruction d'une base terroriste à Alidougou, et la confiscation d'armes et de munitions, de micro mémoires et de téléphones portables.

Instauration de la confiance

Les efforts déployés par les États sahéliens pour en matière de sécurité ont permis d'instaurer la confiance entre les États membres; ce qui a favorisé l'échange d'informations et de renseignements, et une coopération constructive pour lutter contre l'extrémisme violent. Malgré les succès remportés, certains défis subsistent, car les opérations militaires ont été improvisées, temporaires, de durée limitée et d'ampleur géographique limitée. Cela signifie que les groupes terroristes ont conservé leur capacité de se regrouper et d'organiser des attaques plus brutales.

Au niveau national, plusieurs opérations antiterroristes ont été lancées. Le Burkina Faso a lancé l'opération Otapuanu en mars 2019 qui a permis de démanteler les bases de certains groupes terroristes. Le Ghana a lancé l'opération «Conquered Fist» et l'opération «Eagle Claws»; pour traiter les violations de la sécurité aux frontières et former le personnel de sécurité. Le Mali a lancé l'opération «Dambe» en janvier 2017, qui a été officiellement remplacée par l'opération «Conops» Concept d'Opération Harmonisé en mars 2020.

Les actions militaires excessives et les mesures de sécurité prises contre le terrorisme n'élimine pas la nécessité de traiter les problèmes d'exclusion politiques, économiques et sociales, qui ont nourri le sentiment d'injustice de la population, que les groupes extrémistes investissent pour promouvoir leurs opérations subversives dans ces pays. Les violations des Droits de l'homme et les exécutions extrajudiciaires de membres présumés par les forces de sécurité de l'État devraient être limitées; afin d'empêcher la perte de confiance dans l'appareil gouvernemental et de mettre fin au soutien des activités des groupes extrémistes.