​Au milieu des soucis internationaux et de tensions politiques attisés par les menaces terroristes, des courants intellectuels ont saisi l'occasion pour semer la zizanie et répandre dans les pays occidentaux leurs idéologies hargneuses fondées sur l'intolérance, la haine, le despotisme et la suprématie blanche. Cet environnement propice a permis ces dernières années aux courants extrémistes de droite de s'étendre, rivaliser politiquement et accéder à des postes de gouvernance et de prise de décision dans certains pays.

Les rapports indiquent que l'extrême droite devra s'étendre et se renforcer dans diverses parties du monde dans les années à venir. Or cette extension s'accompagne de menaces terroristes croissantes, confirmées par la déclaration du service australien de sécurité et de renseignement selon lequel les cas liés à l'extrême droite représente 40 % des cas d'extrémisme qu'il combat.

L'attentat terroriste de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, est un exemple frappant des dangers terroristes associés à la montée de l'extrême droite. L'analyse des fils conducteurs du crime terroriste révèle les liens transfrontaliers de l'extrême droite, l'Australien accusé du massacre, s'étant inspiré de l'organisation "Génération de l'Identité", mouvement politique d'extrême droite, et usé d'un don d'argent de la branche autrichienne de cette organisation.

Ce don financier hautement symbolique pose la question urgente des sources de financement de l'extrême droite, la capacité de ses organisations à financer leurs projets et activités, la possibilité de révéler ces sources et la capacité des gouvernements à y mettre un terme. Les spécialistes sont très sceptiques quant à la recherche d'un système de contrôle financier basé sur la compréhension de la nature de ces groupes, de leurs activités et de leurs médiateurs, conduisant finalement à traquer et arrêter leur processus de financement, comme le pense le chercheur Ritzman, car contrairement aux extrémistes traditionnels, il a été prouvé que l'extrême droite dispose d'un système de financement intégré.

Le financement est la pierre angulaire des groupes d'extrême droite qui reçoivent des financements de diverses sources, notamment des dons de particuliers, d'entreprises, d'ONG et de fonds légaux et illégaux, comme suit:

Dons privés

Les cotisations des groupes d'extrême droite représentent leur première source de financement durable, mais limitée dans sa capacité à financer les grosses activités de ces groupes, ce qui leur impose d'activer le principe des dons afin de sécuriser des flux de trésorerie élevés, si bien que certains groupes d'extrême droite ont adopté, pour collecter les dons, des sites de financement participatif en ligne, qui rapportent très rapidement beaucoup d'argent. Le groupe Ku Klux Klein "KKK" était l'un des premiers à adopter cette approche. En 1984, le leader du groupe, Louis Pym, a mis au point le plus ancien système de babillards électroniques sur Internet, Liberty Net. Son succès en tant que plateforme informatique a conduit à la création de Stormfront, transformé en premier site Web des groupes suprématistes blancs à des fins de communication et de collecte de fonds.

En raison de la flexibilité et des procédures simples offertes par les plateformes de financement participatif, les groupes de droite se sont tournées vers des sites de financement participatif, tels que: (Patreon, GoFundMe, Kickstarter) devenus une source de financement pour leurs activités. Mais ces sites ont réalisé les dangers de financer des organisations extrémistes et les ont boquées. Alors, elles ont créé des plateformes racistes alternatives ayant échoué à perdurer, telles que Hatreon et GoyFundMe. Malgré certaines restrictions qu'elles imposent, les grandes sociétés de financement participatif permettent toujours aux extrémistes de droite de recevoir des dons réguliers de sympathisants et d'organiser des campagnes de collecte de dons.

The Daily Stormer, un site d'actualités géré par des suprématistes blancs néonazis, illustre la capacité individuelle à collecter des fonds grâce à la création de contenus extrémistes. Le fondateur et éditeur Andrew Anglin a pu collecter des fonds pour la poursuite du site, et a reçu plus de 200 000 $ en Bitcoin rien qu'en 2014, ainsi que de dons d'individus à la Silicon Valley et à Santa Clara, en Californie.

Il en est de même de l'extrémiste de droite britannique Tommy Robinson, de son vrai nom Stephen Yaxley Lennon, qui a bénéficié d'importants soutiens financiers de donateurs étrangers, et d'un financement participatif de donateurs individuels du monde entier, pour assurer les frais de justice dans les affaires portées contre lui, telle l'affaire de diffamation que l'étudiant syrien Jamal Hijazi a remportée contre lui, le tribunal l'ayant condamné à payer une amende de 100.000 livres sterling à titre de dédommagement. Il a reçu, lors de son arrestation de deux mois, environ 20.000 livres en dons payés en Bitcoin uniquement. Il a appelé ses partisans à collecter des fonds pour couvrir ses campagnes politiques. En octobre dernier, il a révélé qu'il était toujours en possession d'un surplus de "quelques centaines de milliers de livres".

Le rapport "Acheter et Vendre l'extrémisme : nouvelles opportunités de financement dans la communauté en ligne d'extrême droite", publié par le service australien de sécurité et de renseignement en août 2021, confirme que neuf chaînes australiennes partageant du contenu d'extrême droite via l'application Telegram utilisaient pas moins de 22 plateformes de financement actives entre début janvier 2021 et le 15 juillet 2021.

Financement externe

Les parties externes constituent une importante source de financement des organisations d'extrême droite pouvant obtenir des fonds d'autres groupes extrémistes à l'étranger. Le groupe de réflexion stratégique à Philadelphie "Middle East Forum" a fourni 60.000 dollars de financement aux manifestations pro-Robinson de l'extrême droite qui a admis plus tard que le Forum avait payé 78.000 livres pour couvrir les honoraires de son avocat dans l'affaire contre lui pour outrage au tribunal.

Activités criminelles

L'extrême droite a largement utilisé le crime organisé, notamment dans les années 2000 pour générer des revenus élevés grâce à des activités illégales, telles que la drogue, le commerce illégal d'armes, la prostitution, l'extorsion et le vol à main armée. Dans les années 1980, des suprémacistes blancs ont pillé un transporteur de fonds et contrefait de la monnaie américaine. Tout comme Timothy McVeigh, le kamikaze d'Oklahoma City en 1995, a commis des vols de banque avant de perpétrer son attaque, une approche à laquelle de nombreux groupes suprémacistes aryens n'ont pas dérogé, se livrant au racket, au trafic de drogue et au vol à main armée. En 2020, les autorités américaines ont réussi à poursuivre des dizaines de suprématistes blancs pour trafic de stupéfiants tels que la méthamphétamine, la cocaïne et l'héroïne.

Nombre d'extrémistes ont su adapter la technologie à la pratique d'activités criminelles, tel Anders Breivik qui a financé son attentat sanglant ayant causé la mort de 85 étudiants norvégiens en 2011, en dépassant la limite de sa carte de crédit. Le phénomène de fraude financière et électronique et de vol de cartes de crédit et d'identités est devenu monnaie courante pour financer l'extrême droite, vu la facilité de sa mise en œuvre et la difficulté de détecter et de suivre les fonds pillés.

Activités commerciales sous licence

Les organisations extrémistes de droite recourent à diverses méthodes pour bénéficier des fonds issus d'opérations illégales et blanchissent cet argent par l'achat de biens immobiliers, de restaurants ou de salles de sport et par diverses activités commerciales très lucratives dont notamment:

  1. Concerts et festivals de musique : Les revenus d'un concert musical regroupant 6000 personnes sont estimés à plus de 150.000 euros. Outre leur bénéfice matériel important, ces événements permettent aux organisations de droite de mettre en relation leurs jeunes partisans avec une activité sociale commune qui renforce la cohésion et l'amitié entre eux et unifie leurs récits.
  2. Sociétés de sécurité: Les organisations de droite ont tendance à créer des sociétés de sécurité pour profiter de cette couverture légale et former leurs membres au maniement des armes et les organiser dans un cadre paramilitaire.
  3. Evénements sportifs de combat: Ces événements qui assurent des sommes colossales rien qu'en billets d'entrée, sont réservés aux blancs, pour mettre en évidence leur supériorité et la suprématie de la race aryenne.
  4. Immobilier: C'est une activité de base pour gagner des fonds et blanchir les revenus illégaux.
  5. Boutiques et e-commerce: Les commerces de l'extrême droite se multiplient dont des boutiques de mode et des restaurants, ou des magasins spécialisés dans les accessoires racistes tels que les machettes, les arcs, les slogans et les souvenirs racistes.

Avec l'émergence du commerce électronique, les extrémistes de droite sont devenus actifs dans ce commerce, vendant une large gamme de biens pour subvenir à leurs besoins ou financer leurs organisations extrémistes, tels que des t-shirts, tasses à café, drapeaux spéciaux et souvenirs vendus aussi sur les sites de commerce électronique comme Amazon et sur les plateformes de médias sociaux.

Monnaies numériques

Le suivi sécuritaire des opérations de financement de l'extrême droite, ainsi que la poursuite et le gel de leurs comptes bancaires, ont conduit ces groupes à la clandestinité à travers le commerce des devises numériques qui échappe au contrôle des banques et des autorités financières, et leur permet de dissimuler leurs ressources financières et de les transférer sans crainte. Andrew Anglin, propriétaire du site Daily Stormer, rapporte qu'après le blocage de son compte PayPal et la suspension de ses cartes bancaires, il a reçu un don de 15 bitcoins, soit l'équivalent de plus de 600.000 dollars à l'époque. Il a ironisé disant : "Vous nous avez orientés, imbéciles, vers les monnaies numériques" !

Les extrémistes de droite ne se sont pas contentés des Bitcoins, ayant vite permis des procédures transparentes permettant de connaître le donateur et le bénéficiaire, ce qui les expose aux poursuites judiciaires. Ils se sont donc rapidement tournés vers la monnaie secrète, dite Monero, qui occulte toutes les transactions. Certains groupes d'extrême droite ont limité les dons à cette monnaie, comme les (Proud Boys) et (Nordic Resistance) interdits en Finlande.

Traitements gouvernementaux

La montée de l'extrémisme de droite et son rôle majeur dans les dissensions sociales ont donné l'alerte sur l'importance de surveiller son financement et ses activités suspectes.

Les autorités gouvernementales de nombreux pays occidentaux déploient une intense activité pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement de l'extrémisme de droite, en particulier à la lumière des difficultés à tracer ses transactions numériques lui permettant d'obtenir des fonds énormes non contrôlés.

En général, circonscrire les sources de financement de l'extrême droite n'est pas une tâche aisée, car cela nécessite des efforts importants et intégrés pour répondre aux différentes fluctuations. Cependant, il ne s'agit pas d'une mission impossible, et le tarissement de ces sources est une étape sine qua non pour contenir l'extrémisme de droite et limiter ses dangers.​