Le terme «combattants étrangers» n’était connu pas dans le vocabulaire médiatique, juridique et politique qu’au cours des dernières décennies, et était associé à l’organisation Al-Qaïda, puis aux groupes terroristes similaires, avec en tête le groupe Daech qui a attiré plus de 40.000 combattants étrangers d’environ 80 pays, en Irak et en Syrie pour rejoindre ses rangs.

Aperçu historique
Les Européens ont été les premiers à recourir aux combattants étrangers, tels les combattants qui ont participé à la guerre d’indépendance grecque (1821-1829). Après plus d’un siècle, l’extrême droite a participé à la guerre civile espagnole (1936-1939) et a créé le "Corps des Forces Volontaires" pour soutenir les groupes de combat armés fidèles au leader de droite Francisco Franco qui combattaient le Front Républicain.

Des membres de l’extrême droite américaine ont rejoint les organisations militaires dans plusieurs pays, dont des membres du Parti National des Blancs, qui se sont portés volontaires dans les rangs des forces armées rhodésiennes dans la guerre de la jungle connue sous le nom de guerre de libération du Zimbabwe (1964-1979). Puis, pendant la révolution nicaraguayenne (1978-1990), des organisations paramilitaires américaines, telles que l’Organisation d’Assistance Civilo-militaire (CMA), ont recruté des membres d’extrême droite.

À la même époque, des organisations d’extrême droite en Italie, telles que l’Organisation "Ordre Nouveau" et l’Organisation "Avant-garde Nationale", entretenaient des liens étroits avec les régimes autoritaires d’extrême droite en Europe. Des membres de ces organisations se sont rendus en Grèce, Espagne et Portugal pour acquérir des compétences et mener des attentats terroristes meurtriers en Italie. Lors de la guerre civile en Yougoslavie (1991-2001), des membres d’extrême droite ont rejoint l’armée de la République de Serbie et ont participé aux massacres commis contre les musulmans bosniaques. Des combattants grecs, dont certains associés au groupe grec d’extrême droite "Aube Dorée", ont participé au génocide de Srebrenica En 1995. Des combattants étrangers d’extrême droite ont participé également aux organisations militaires et paramilitaires croates dans cette guerre.

Ces dernières années, des combattants d’extrême droite ont participé à plus d’un conflit, dont les plus importants sont peut-être le conflit en Syrie et la guerre en Ukraine. Les observateurs confirment que des combattants étrangers d’extrême droite ont combattu en Syrie et en Ukraine (lors de la crise de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014), dont certains ont migré vers d’autres pays où des conflits ont éclaté. Ainsi, nombre d’entre-eux rejoignent maintenant des groupes extrémiste dans le «Haut-Karabakh» dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Des membres de la Légion Impériale, branche militaire d’une organisation terroriste d’extrême droite dite Mouvement Impérial Russe, se sont rendus en Libye.

Laboratoire de guerre
Les combattants étrangers d’extrême droite utilisent le conflit en Ukraine et en Syrie, tel un laboratoire sur un champ de guerre, alimentant la crainte que ces pays, en particulier l’Ukraine, ne deviennent une copie de l’Afghanistan 1980, en tant que couveuse et lieu de formation pour les organisations terroristes en Europe Centrale. L’afflux des extrémistes blancs aux champs de bataille et leur participation à de vrais combats leur donnent une grande expérience et perfectionnent leurs compétences dans le recours aux armes, la planification d’attaques et l’utilisation de la technologie moderne dans la guerre: Télécommunications, cryptographie, et cryptomonnaies pour financer leurs activités. Ali Soufan, expert contre-terrorisme, déclare à propos des dangers de l’extrémisme transnational yéménite: Les extrémistes s’emparent rapidement du pouvoir, les Talibans ont pris le pouvoir et nous ne sommes réveillés que le 11 septembre 2001, or les agissements actuels des combattants de droite en est la copie conforme. Les djihadistes ont usé des conflits en Afghanistan, Tchétchénie, Balkans, Irak et Syrie pour s’entraîner au combat, en maîtriser les techniques et consolider les réseaux transfrontaliers. Pour les suprématistes blancs, l’Ukraine est un laboratoire de guerre.

Après le déclenchement du conflit en Ukraine en 2014, des éléments d’extrême droite de différents pays ont rejoint les belligérants des deux côtés. Certains d’entre eux sont liés à des agences gouvernementales et d’autres à des organisations paramilitaires indépendantes.

Malgré l’absence de statistiques précises, certaines estimations indiquent que depuis 2014, près de 2000 combattants étrangers d’extrême droite, non russes, ont participé au conflit. La majorité de ces combattants venaient de Biélorussie; ceux venus d’Allemagne, Serbie, France, Italie, États-Unis, Australie, Pologne et Géorgie soutenaient l’Ukraine. D’autre part, l’Organisation d’extrême droite la plus inquiétante active dans le Donbass était le Mouvement Impérial Russe, qui a des liens étroits avec d’autres organisations européennes d’extrême droite, telles que le Mouvement de Résistance du Nord, responsable de l’attaque de 2017 contre un centre de réfugiés à Göteborg, en Suède. Les États-Unis ont classé le Mouvement Impérial comme organisation terroriste en 2020, et le Canada a emboîté le pas en 2021.

La droite en Syrie
L’extrême droite s’est investie dans la guerre contre le terrorisme et ses organisations se sont présentées comme partie active dans cette guerre, bien que certains de ses membres pratiquent le même terrorisme qu’ils prétendent combattre! La guerre en Syrie a fourni une nouvelle arène aux combattants d’extrême droite. Ils y ont donc afflué en tant que groupes et individus et rejoint diverses organisations telles que les "Unités de Protection du Peuple Kurde", ou des groupes de combattants chrétiens alliés au régime syrien, tels que le "Parti National Assyrien", qui représente traditionnellement les intérêts des Assyriens de l’Est syrien dans la vallée de Khabour sur les frontières turques; le "Conseil Militaire Syriaque" dans la province syrienne de Hasakah; la "Force de Protection de Guzarto", un groupe assyro-syriaque armé à Qamishli, dans le Nord-est de la Syrie; ou bien les "Gardiens de l'Aurore" une coalition chrétienne de milices pro-gouvernementales opérant dans le sud de la Syrie.

Il est difficile d'estimer le nombre de combattants étrangers d'extrême droite dans ces organisations. Certains rapports en fournissent toutefois certaines données : leur âge moyen est de 32 ans, et 3 % sont des femmes. Sur 108 combattants de droite Américains interrogés, 73 avaient déjà servi dans l’armée américaine. Les combattants étrangers de droite en Syrie ont révélé leurs motivations pour y combattre, notamment: Protection des minorités chrétiennes, hostilité envers les musulmans, rejet des griefs économiques, objection à la politique étrangère américaine et désir d’aventure.

Les combattants d’extrême droite du gouvernement de Bachar Al-Assad ont combattu dans des groupes pro-syriens et russes. Les combattants de droite norvégiens et suédois ont reçu une formation militaire dispensée par l’armée russe en 2017, puis ils ont rejoint les forces fidèles au gouvernement syrien. Les combattants de droite britanniques et espagnols ont rejoint les organisations gouvernementales et non gouvernementales anti-Daech.

Le soutien mutuel entre les combattants d’Assad et ceux d’extrême droite a alimenté leur afflux en Syrie. Les organisations européennes de droite ont soutenu cette alliance. Le parti politique néo-fasciste italien "Casa Pound" a annoncé son soutien au président syrien à plusieurs reprises. D’autres partis d’extrême droite en Europe, tels que le Parti National Britannique et la Renaissance Nationale de la Pologne, ont également exprimé leur soutien à Bachar Al-Assad.

Terroriste inspire !
Beaucoup de ces combattants étrangers de droite à l’étranger sont devenus des modèles pour leurs homologues toujours dans le pays. Le terroriste norvégien d’extrême droite "Anders Breivik", qui a perpétré deux attentats dans la capitale Oslo et sur l’île d’Utoya le 22 juillet 2011, au cours desquels 70 personnes ont été tuées et 319 blessées, a mentionné à plusieurs reprises la guerre en Yougoslavie dans sa déclaration et salué les crimes et les massacres commis par les groupes armés de droite pro-serbes, qualifiant leurs crimes de "juste cause pour contrer la guerre démographique islamique".

Le terroriste de droite Brenton Tarrant qui a perpétré le massacre de Christchurch contre les fidèles musulmans le 15 mars 2019, a évoqué la guerre en Yougoslavie en imprimant sur son arme des phrases racistes inspirées d’une chanson serbe extrémiste qui célèbrait le Général "Radovan Karadzic" bourreau du génocide contre les musulmans de Bosnie. Ces deux exemples montrent peut-être que la participation de combattants d’extrême droite dans des zones de conflit a contribué à la glorification des héros de guerre des terroristes d’extrême droite.

Risque futur
Les spécialistes et experts du contre-terrorisme s’attendent à ce que ces combattants d’extrême droite provoquent une crise sécuritaire majeure dans un avenir proche ou lointain, et que leur retour dans leurs pays d’origine pose un problème complexe. Les universitaires et les professionnels sont de plus en plus divisés sur les mesures à prendre pour résoudre le problème et ils rappellent les obstacles qui s’opposent toujours au retour des combattants étrangers qui ont combattu avec Daech en Irak et en Syrie.

Le différend porte de primo sur la définition juridique de «combattants étrangers». La Résolution n° (2178) du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2014, les définit comme: "Les personnes qui se rendent dans un pays autre que leur pays de résidence ou de nationalité, pour commettre, planifier, préparer ou participer à des actes terroristes, ou donner ou recevoir une formation de la part de terroristes, y compris dans le cadre d’un conflit armé". Cette définition demeure controversée, le Comité International de la Croix-Rouge affirmant que lier les conflits armés au terrorisme pourrait être erroné et risque de mener à la désignation de tous les acteurs non étatiques comme des entités terroristes.

Pourtant, la problématique est pire. Lorsque ces combattants se rendent dans des zones de guerre, le niveau de violence s’aggrave, en particulier contre la population civile, leurs expériences militaires augmentent, les liens transfrontaliers entre l’extrême droite se tissent. Après leur retour chez eux, ils deviennent sources d’extrémisme, forment des cellules et des réseaux qui fournissent un soutien financier et des services à leurs homologues à l’avenir, augmentent la polarisation sociale dans leur pays et renforcent les chances de perpétrer des attentats terroristes à la manière des loups solitaires.

On craint également que la participation accrue des combattants de droite aux conflits exacerbe l’extrémisme des leurs idéologies et que les groupes non violents renient la participation politique électorale et optent pour le recours à la violence à des fins politiques. Aux États-Unis d’Amérique, les agences de renseignement et les forces de l’ordre ont mis en garde contre la grande menace notamment des suprématistes blancs et révélé qu'au cours des quatre dernières années, la violence liée à ces éléments a éclipsé la violence d’autres groupes terroristes, jusqu’à devenir le mode dominant du terrorisme, ce qui a incité l’administration du Président Joe Biden à élaborer un nouveau plan stratégique pour faire face à ce type local risqué du terrorisme.