La lutte contre le terrorisme requiert sans aucun doute l’implication et l’autonomisation des femmes dans toute société qui veut se fortifier face aux discours de haine et d’extrémisme que les groupes terroristes cherchent à propager par divers moyens frauduleux, et c’est ce que le Groupe du Sahel a adopté comme base importante pour ses plans stratégiques de lutte contre le terrorisme.

Sangaré commandante de brigade
Au milieu d’une foule d’officiers experts en lutte contre le terrorisme dans les salles d’entraînement du Complexe d’Enseignement Militaire Mohammed ben Zayed (Collège Supérieur de Défense du G5 Sahel) à Nouakchott, le Colonel Major Nana Sangaré de la République du Mali présentait brillamment ses expériences et son expertise dans le domaine de la lutte contre le terrorisme dans les pays du Sahel. Elle mène des exercices quotidiens avec ses collègues officiers de divers pays du Sahel au Collège Militaire sur l’analyse et la discussion des informations et des derniers développements du conflit avec les groupes terroristes dans la région.

Considérée comme la première femme officier du Collège de défense dans la région du Sahel, Sangaré a obtenu ce statut grâce à sa compétence et son dévouement. Dans le système de défense des pays du Sahel, il n’y a pas de poste spécifique aux hommes et tabou aux femmes, mais c’est la compétence qui prévaut dans cette zone qui mène une guerre farouche contre le terrorisme. Aussi, la politique de genre est-elle devenue partie intégrante de la stratégie à long terme des États du Sahel dans leur lutte contre ce fléau.

Aminata Ndiaye, Conseillère Genre au Commandement du Sahel, estime que la présence de femmes en tenue militaire dans l’armée et les forces de sécurité, dans les zones ciblées par le terrorisme, est une forte motivation pour la population locale à faire confiance et à coopérer avec l’armée et la police.

Sangaré fait la guerre contre le terrorisme depuis le début et a franchi avec les forces armées de son pays, les étapes les plus difficiles lorsque les groupes terroristes avaient investi le nord du pays. Elle a eu une expérience approfondie dans le domaine de la lutte contre le terrorisme dans les écoles de défense au Mali, en France, en Chine et au Maroc, avant d’arriver au Collège de défense du Sahel dans la capitale mauritanienne, Nouakchott. Elle est spécialisée en informatique et en nouvelles technologies, considérées comme le nouveau champ de bataille contre le terrorisme.

Le projet du Collège de défense G5 a démarré en 2018 en Mauritanie. Il bénéficie du soutien de la France et d’autres partenaires internationaux. L’institut a formé en 2019 le premier lot de 36 officiers supérieurs très qualifiés, capables de renforcer la cohésion entre les différentes forces armées du Sahel et de gérer les opérations militaires conjointes.

Dans une vidéo diffusée sur le site Internet du Groupe du Sahel pour célébrer la contribution des femmes à la lutte contre le terrorisme dans la région en mars 2020, le général de division Ibrahim Fal Oueld Al-Shaibani, directeur du Collège a indiqué qu’en échangeant ses expériences avec ses collègues hommes et femmes au collège, le colonel Sangaré ressemblait à un chef d’orchestre, témoignant de la force des femmes et de leur charisme dans le domaine militaire.

Sangaré est devenue un exemple vivant de la tendance des pays du Sahel à créer une nouvelle génération de chefs militaires femmes face au terrorisme, non seulement pour éviter aux femmes la position de victime, mais aussi pour montrer que la région du Sahel est unie dans sa guerre contre les terroristes. 

L’autonomisation des femmes et leur participation à la lutte contre le terrorisme vise à contrecarrer l’idéologie des groupes extrémistes violents en Afrique qui tentent de recruter des femmes soldats en prétendant œuvrer pour l’autonomisation des femmes et l’amélioration de leur statut social et économique, comme certifié par une étude du PNUD en 2019.

Détruire l’image de la femme victime
Dans le contexte de la crise multiforme que connaît la région sahélo-saharienne, le G5 Sahel s’efforce de remplir au mieux les missions qui lui sont confiées. Parmi les défis auxquels il faut faire face figurent en particulier l’éducation des filles et la participation accrue des femmes à tous les aspects de la vie sociale, au maintien et à la consolidation de la paix, et au développement durable.

Les pays du Sahel avancent régulièrement sur la voie de la réalisation des objectifs de développement durable inclus dans l’Agenda 2030 pour le développement durable, l’Agenda 2063 de l’Afrique et la Position commune africaine sur l’Agenda de développement post-2015, convenu lors du Sommet des chefs d’État de l’Union africaine à Addis-Abeba  en 2014. Ces agendas priorisent le rôle des femmes en tant que participantes clés pour faire face aux défis du terrorisme qui cible la profondeur des sociétés dans les pays du Sahel.

En juillet 2015, les participantes au forum régional de valorisation des femmes dans la région du Sahel, à N’Djamena au Tchad, ont exprimé leur profond désir de promouvoir le rôle de la femme pour la protéger contre le ciblage des groupes terroristes, en lui faisant assumer de plus grandes responsabilités au sein de la société civile et de l’Assemblée du peuple. Cela a abouti à la création d’un organe régional au sein du Secrétariat permanent du Groupe du Sahel chargé du suivi des questions relatives aux femmes et de la mise en œuvre des conventions et pactes internationaux pertinents.

Mohamed Aznaki Sayed Ahmed, chef du secteur défense et sécurité au secrétariat exécutif du G5, estime que le groupe a fait de grands progrès dans le domaine de l’autonomisation des femmes, comme la nomination d’une consultante au secrétariat exécutif, l’élaboration d’une politique genre du groupe, la formation de la composante féminine, la mise en place d’une plateforme pour les femmes dans le groupe, et la mise en œuvre du plan d’intégration des femmes dans les corps militaire et sécuritaire.

Renforcer la présence des femmes dans les rangs des forces de défense et de sécurité du G5 Sahel, dont la force conjointe des pays du groupe, est une politique urgente pour se conformer au droit international humanitaire financé par l’Union européenne à hauteur de trente millions d’euros, et mis en œuvre par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Cette orientation des pays du Sahel vers l’autonomisation des femmes est une réponse sérieuse à l’appel du 11 mars 2020 de Rosemary Anne DiCarlo, Secrétaire Générale Adjointe aux Affaires Politiques des Nations Unies, concernant le renforcement du rôle des femmes au centre de la réponse antiterroriste.

Formation des commandants militaires
On constate que la misogynie est au cœur des stratégies des groupes extrémistes. Par conséquent, les femmes portent un lourd fardeau de violence, auquel s’ajoute l’esclavage sexuel. Ainsi, la responsabiliser et soutenir sa présence militaire en première ligne face au terrorisme est un puissant moyen d’exprimer la cohésion des sociétés africaines face à l’extrémisme, et de briser l’image stéréotypée de la femme que les groupes tentent d’établir. 

Ce point de vue était présent lors d’une session formative accueillie par le Collège de défense du G5 Sahel à Nouakchott, en présence des chefs de service des forces militaires et sécuritaires, et de la force conjointe du groupe, en mars 15/3/2020, en tant que devoir découlant des accords internationaux et des recommandations des Nations Unies pour la nécessité d’intégrer les femmes, en guise d’atout stratégique et pratique pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière dans la région du Sahel.

Lors du colloque, le coordinateur des programmes onusiens en Mauritanie, Anthony Kwako Ohmeng Bouamah, a exprimé sa satisfaction pour la présence des femmes dans les structures du groupe, facteur clé d’intégration des femmes dans la vie publique pour aider à lutter contre le terrorisme et le crime organisé transnational. 

Le groupe G5 Sahel, créé le 16 février 2014, et basé dans la capitale mauritanienne Nouakchott, représente un cadre de coopération gouvernementale régionale et internationale pour lutter contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et la traite des êtres humains dans les cinq pays du groupe (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad).

Retourner la situation contre le terrorisme
Depuis le début du nouveau millénaire, et en raison des coups violents portés contre les organisations terroristes en Afghanistan et au Moyen-Orient, en particulier en Syrie et en Irak, et en raison de l’effondrement de la situation en Libye, nombre de ces groupes ont choisi de partir en Afrique dans une tentative de se regrouper et de reprendre leur souffle.

Le faible niveau d’éducation dans les sociétés africaines et la fragilité de la coordination militaire, ont été le principal motif de la prolifération des organisations terroristes en Afrique, surtout au cours des dix dernières années, avec l’émergence d’organisations extrémistes telles que Boko Haram au Nigeria (2002), et Al-Qaida au Maghreb islamique, agissant dans le désert entre la Mauritanie, Algérie et Mali (2007), le mouvement Ansar al-Din au Mali (2011), Daech (2015) et le Groupe Nusrat al-Islam (2017), en plus de près de 50 organisations de force et d’influence diverses dans plusieurs pays africains, s’appuyant toutes sur des sources de financement illégales, telles que le trafic d’êtres humains, la drogue, la fraude, le blanchiment d’argent et les rançons, selon «Interpol» et le département d’État américain.

Les attaques quasi quotidiennes dans les pays du Sahel, près de 700 en 2019, on fait plus de 2000 morts, et des centaines de blessés et de sinistrés, selon le Centre Africain d’Etudes Stratégiques. Dans ce climat, les informations faisant état d’enlèvements de filles, de viols de femmes et de meurtres de sang-froid à leur encontre choquent les habitants du Sahel, car les femmes sont l’élément le plus faible dans la guerre des groupes extrémistes. Il est clair que restaurer le rôle de leadership historique des femmes, et les impliquer concrètement dans la guerre contre le terrorisme, va renverser la vapeur pour les politiques de lutte contre l’extrémisme qui nichent dans le continent noir et les pays du Sahel. Les armes seules ne suffisent pas, comme l’ont dit les dirigeants du Sahel dans le communiqué final du Sommet de Pau en janvier 2020, qui a donné une nouvelle vision de la lutte contre le terrorisme. L’autonomisation des femmes est l’une de ses caractéristiques les plus marquantes. C’est pourquoi le colonel Sangaré et ses collègues de la Force conjointe du G5 estiment que leur mission va au-delà de leur action militaire et vise à établir la présence des femmes sur le terrain, face au stéréotype qui prévaut à leur encontre.