Le monde entier souffre depuis plusieurs décennies de la présence des groupes terroristes dans de nombreuses contrées. Depuis 2012, l’Afrique de l’ouest ne fait pas exception à cette souffrance. Mais malgré la présence de ces groupes presque en Afrique de l’ouest, certains pays en payent très cher de leur présence sur leurs territoires. Tel est le cas de Burkina Faso, Mali, Niger, Nigeria et Mauritanie qui connaissent des expériences ou des vécus différents selon la manière dont les différents groupes opèrent. 

Points communs entre les groupes radicaux 
Le premier pays de l’Afrique de l’ouest à connaître la présence de groupe terroriste est le Niger avec Boko Haram.  Même si ces groupes étaient présents sur les territoires Burkinabé, Malien et Nigérien, la plupart des populations les ont connus après la chute de Kadhafi en 2012. Pour bien s’implanter dans tous ces pays d’Afrique de l’ouest, ces groupes ont d’abord fait leur premier recrutement parmi les gens marginalisés dans leurs sociétés, ceux qui pensent avoir trouvé le vrai Islam en adhérant à ces organisations. Tous les chefs locaux de ces groupes sont des nationaux, originaires de leur pays d’opération. Ils étaient déjà influents avant même d’intégrer les mouvements terroristes. Au Burkina, c’était Malam Ibrahim remplacé par son jeune frère après sa mort par la soif; au Mali c’est Iyad ag Agaly, Touareg malien, ex-rebelle et ancien fonctionnaire et Hamadoun Kouffa, célèbre prêcheur dans le milieu Peul et dans les régions du centre du Mali; au Niger c’est Tiafori, Peul célèbre parmi les membres de sa communauté et au Nigeria c’est Aboubacry Chekaou.

Mode de gouvernance 
Chaque chef suit une politique adaptée pour convaincre facilement les populations de sa communauté. Parmi les politiques utilisées, ces chefs de groupes appellent leurs communautés au jihad sacré et leur annoncent la fin de la domination des mécréants à travers la démocratie que ces occidentaux ont imposée. Ils promettent aux pasteurs et aux éleveurs de réduire les redevances de pâturage et de les ramener à un prix raisonnable, tout en leur disant que la vente des herbes est bannie par l’islam, ce qui a encouragé de nombreux éleveurs de la région à devenir des terroristes. 

D’autre part, être dans ces groupes permet d’avoir du succès, une réputation dans le milieu, l’accès aux moyens de mobilité et de porter des armes, ce qui a poussé les marginalisés à devenir des terroristes. Leur plus bonne politique pour bien maitriser la zone est de donner le pouvoir aux personnes qui n’étaient pas bien considérées dans le milieu Peul. 

Dans le mode de gouvernance, ils travaillent avec toutes les couches de la société parmi les communautés de leur zone d’occupation C’est à dire à tous les niveaux, chefs coutumiers, chefs religieux, notables, jeunes, enfants et femmes. Les chefs coutumiers et les chefs religieux sont les intermédiaires entre eux et leurs communautés. Les femmes et les enfants sont utilisés comme les principaux informateurs. En cas de problème dans un village, les premières personnes qu’ils contactent sont les chefs des villages et les leaders religieux avant la prise de toute décision. 

Dans plusieurs villages, les juges religieux sont choisis parmi les imams ou les maitres coraniques dans les villages. Mais dans les localités où ils s’implantent, ce sont eux qui jouent tous les rôles. Ces groupes ont règlementé toutes les structures de la société civile. Ils ont imposé la tenue vestimentaire pour homme et femme, réglementé les manières de voyager pour les femmes, aboli les conditions de classe sociale pour le mariage et interdit les fêtes culturelles et saisonnières. Ils contrôlent le volet humanitaire et aident les personnes démunies à travers la zakat. Ils viennent en aide à toutes les personnes victimes d’abus. Ils ont mis fin dans leurs zones au vol d’animaux et protègent les zones de pâturage en cas de demande de la communauté. 

Ces groupes ont presque tous un système de gouvernance très proche. Ils font tout pour associer les personnes des villages à leurs activités religieuses. Les personnes qui s’opposent à leurs gouvernances sont enlevées par des hommes qui les conduisent en brousse pour que les chefs des groupes décident de leur sort. Les jugements se font très généralement en brousse loin de toute la communauté. La libération de certaines personnes enlevées est conditionnée au paiement de rançon. 

Gouvernance sans développement 
Les groupes terroristes ont tout fait pour se rapprocher des communautés locales mais ils ont mis un coup d’arrêt au développement dans les zones sous leur contrôle. Toutes les écoles sont fermées et d’autres même brulées. Tous les représentants de l’Etat sont partis de ces localités sauf les infirmiers, les aides-soignants et quelques médecins. Tous les lieux de travail étatiques sont fermés et les personnels sont partis. L’accès aux services sociaux de base est devenu un très grand défi faute de moyens de déplacement. Les élections des conseillers municipaux est devenu chose bannie.  Presque toutes les antennes téléphoniques sont tombées en panne et l’accès à l’eau potable est devenu difficile. Les rares châteaux d’eaux se dégradent et les terroristes refusent la construction de nouveaux châteaux sous prétexte qu’ils ne font pas confiance aux gens qui viennent des villes. Le peu de routes bitumées qui existaient se sont dégradées voire même totalement détruites. Tous les projets de développement initiés par les différents Etats et leurs partenaires sont stoppés, surtout que les représentants de l’Etat n’ont pas accès aux zones sous contrôle terroriste, à part quelques ONG qui peuvent accéder à ces zones par l’intermédiaire des personnes influentes originaires du milieu. 

La présence des groupes terroristes a donné naissance à plusieurs conflits inter et intracommunautaires dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest où ils sont présents à cause de l’ethnicité des groupes terroristes. Au Mali et Burkina Faso, on impute tous les terroristes aux communautés Peul, Touareg et Arabe. Donc, les autres communautés se sont rassemblées en groupes d’autodéfense pour faire face aux groupes terroristes; tel est le cas aussi au Niger et Nigeria.

Points de divergence
Au Nigeria, les enlèvements des femmes et des filles sont fréquents, tel n’est pas le cas au Mali, au Burkina et au Niger où ceux enlevés sont très généralement des hommes représentants de l’Etat ou accusés de collaboration avec les forces de sécurité et les occidentaux. Tous les groupes s’attaquent aux écoles du modèle occidental mais jamais, ni Nusratul islma ni la Katiba Macina n’ont jamais enlevé des élèves. Al-Qaïda et ses alliés sont plus tolérants envers les occidentaux que Boko Haram et l’Etat islamique et ses alliés.

La gouvernance de la Katiba Macina et Al-Qaïda est différente de celle de Boko Haram et de l’EI. Souvent ces deux premiers groupes acceptent de gouverner sur la base des règles coutumières, ce qui irrite l’EI. Par exemple, concernant les espaces posturaux dans le delta central du Niger, la Katiba Macina a accepté que la gestion bourgoutière se passe sur la base des coutumes et des traditions et que les propriétaires coutumiers gardent leurs propriétés, mais sans que la récolte des redevances ne dépasse le montant de 5 00 000 F CFA. Une gouvernance à laquelle s’est opposée l’EI au Grand Sahara et ses alliés, ce qui a causé la défection de plusieurs combattants de la Katiba Macina au profit de l’EI.

Il arrive souvent que Nusratul islam accepte l’organisation d’élections dans ses zones de contrôle, alors que l’EI est contre tout modèle de gouvernement occidental. Les éléments d’Al-Qaïda acceptent de travailler avec les élus locaux et les ONG, ce à quoi s’oppose l’EI. Dans certaines zones contrôlées par Al-Qaïda, les vignettes d’impôts sont vendues, mais tu ne verras jamais cela dans les zones sous contrôle de l’EI. Une autre grande différence entre Al-Qaïda et l’EI au grand Sahara est que tous les chefs locaux de Nusra sont originaires des pays où ils sont, tel n’est pas le cas de l’EI où les chefs sont d’origine sahraouie. Du coté des services sociaux, Al-Qaïda est plus tolérant avec les agents des ONG que l’EI ou Boko Haram. 

Al-Qaïda donne plus de valeur à la femme que l’EI. Dans la zone de Macina, les femmes occupent une place très importante dans la société. Avant que la Katiba ne contrôle la zone, les femmes du delta n’avaient pas droit à la succession de la terre et certaines étaient même chassées de leur maison paternelle après la mort du père. Aujourd’hui, elles ont retrouvé leurs places dans leurs familles et ont eu leur part dans leurs maisons familiales. Certaines ont même construit leur propre maison dans les concessions de leur défunt père. En matière de violence, l’EI et Boko Haram sont plus violents que Nusratul islam ou Al-Qaïda. Presque tous les grands massacres ont été l’œuvre de l’EI et de Boko Haram.

Mode de financement 
L’EI et Boko Haram reçoivent un généreux financement extérieur, mais les groupes opérant au Burkina et au Mali se financent à travers les récoltes de zakat, les butins de guerre et surtout la confiscation des animaux et des biens des villages opposés à leur règne. Souvent ces groupes se financent à travers les rançons d’otages. Mais ce cas n’est pas plus fréquent après que plusieurs pays sont classés zones rouges pour les occidentaux. Les butins de guerre sont prisés par ces groupes lors de toute attaque contre les camps et les bases des armées malienne, burkinabé et nigérienne. Des sympathisants non combattants sont chargés de vendre les animaux récoltés en zakat. Une partie de la population ne participe pas aux combats mais contribue financièrement aux activités des groupes en payant des cotisations mensuelles. 

En conclusion les groupes terroristes au Sahel ont des points communs et des points différents. L’Etat Islamique et Boko Haram sont plus proches dans leurs actes qu’Al-Qaïda, mais ils sont en dernière instance tous originaires de la souche terroriste.