Cet article examine l’impact des technologies sur l’évolution du concept de terrorisme dans nos esprits et passe en revue les stations importantes de l’histoire moderne, au cours desquelles certains développements techniques ont affecté le concept de terrorisme. Il aborde également le concept de «disparité technique» qui fusionne les expériences réelles et numériques en un seul creuset, combinant images, récits, aspects tangibles, techniques et symboliques, et contribue à réaliser l’harmonie auprès des groupes terroristes contemporains.

Perception technologique et terrorisme
L’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication dans la vie quotidienne crée une nouvelle relation physique entre la réalité virtuelle et le monde réel, en cohérence avec les inégalités sociales, économiques et politiques qui ont ouvert la voie aux industries technologiques dans le monde. Il se peut que ce qui distingue la technologie moderne est sa capacité à changer le monde réel. Cette technologie contribue à résoudre les problèmes, à programmer automatiquement les activités pratiques afin de réduire l’intervention humaine et, surtout, à changer les concepts de ce qui est possible, souhaitable et effrayant pour les humains au niveau mondial.

Les technologies définissent le concept de modernité à travers l’approche rationnelle envers le monde moderne, ses problèmes, ses aspirations, et ses moyens. Elles observent désormais la vie sociale et l’organisent selon la conception technique. Les technologies de communication ont révélé de nouvelles manières de parvenir à la paix ou de semer la panique parmi la population civile, ce qui a conduit, avec d’autres facteurs, à un changement dans la manière de traiter le terrorisme et de le combattre.

Le terme «terreur» associé au terrorisme technique en est venu à évoquer un sentiment d’horreur, une peur physique que quelque chose d’effrayant puisse se produire, généralement suivi de choc et de panique et que cela devienne une réalité. C’est un comportement instinctif de la société qui débouche sur la réaction de fuite. La propagation rapide du terrorisme parmi les humains en fait un phénomène caractéristique, l’objet de débat dans la presse et les médias et une méthode standard utilisée dans les guerres asymétriques. Les organismes chargés de le combattre le définissent comme étant l’usage illégal de la force ou de la violence contre les personnes ou les biens dans le but d’intimider le gouvernement ou les civils pour atteindre des fins politiques ou sociales.

Les médias ont contribué à travers leurs couvertures à la mondialisation de la perception publique du terrorisme dont les activités déterminent la signification précise en dernière instance. Si nous regardons de plus près, nous constatons que le terrorisme d’État signifie l’intimidation systématique de la population civile, menée par un gouvernement ou un régime afin de faire face à une menace politique.

Quant aux objectifs du terrorisme, ils alternent entre les dommages catastrophiques et mortels causés aux civils, la propagation de la peur pour atteindre des objectifs politiques ou idéologiques, ou de porter atteinte aux principes de l’ordre public et des droits de l’homme, et saper les solutions pacifiques aux conflits que le monde civilisé veut réaliser, qu’il s’agisse de terrorisme laïc ou à motivation religieuse, de terrorisme d’État ou révolutionnaire.

Censure et disparités technologiques
Dans la guerre mondiale contre le terrorisme qui a commencé il y a 20 ans, les experts ont considéré la disparité politique, sociale et économique avec la technologie comme une cause fondamentale du terrorisme. Les attaques varient entre les bombes artisanales, le blocage des services informatiques, les pare-feu et les méthodes de cryptage, qui sont des concepts différents, et une réalité technique faite pour lutter contre le terrorisme, mais qui contribuent en même temps à sa formation et créent les conditions sociales pour son émergence.

Après les attentats du 11 septembre, le gouvernement américain a estimé que les lois ne suivaient pas le rythme de la technologie, et a donc créé le programme de surveillance du terrorisme, qui visait initialement à intercepter les communications liées à al-Qaïda. Le FBI a eu recours aux registres de l’immigration pour déterminer les citoyens d’origine arabe et musulmane ayant la nationalité américaine. Il a enregistré 80.000 personnes dont 8.000 ont été interrogées, et plus de 5.000 personnes emprisonnées. La soi-disant «campagne de profilage ethnique» qui n’a pas abouti à la découverte de terroristes était la plus agressive depuis la seconde guerre mondiale.

Il s’agit d’une preuve irréfutable sur la contribution des disparités dans l’utilisation des technologies et des médias à la formation dans l’opinion publique de certaines perceptions, qui constituent l’un des principaux facteurs contribuant à la propagation du terrorisme. Selon les documents publiés par Snowden en 2013, les agences gouvernementales se sont habituées à collecter et à stocker les informations personnelles des citoyens.

Les documents divulgués montrent que la NSA demande des informations sur les utilisateurs de sociétés telles que Microsoft ou Google pour les ajouter à leurs dossiers quotidiens qui contiennent également des informations qu’elle obtient de l’Internet telles que le contenu des e-mails et les listes de contacts. Cela signifie que les gouvernements ciblent tous ceux qui témoignent les disparités politiques, plutôt que les criminels. Le programme de surveillance de la NSA n’a pas réussi à arrêter les attaques terroristes dangereuses, malgré de grands espoirs. Il est donc préférable de tirer parti des informations dont nous disposons que de collecter au hasard des données.

Les libertés civiles ont été considérablement réduites et la fréquence à laquelle les médias et les agences gouvernementales espionnaient les citoyens a augmenté. Cette pratique s’est accompagnée de l’émergence d’une nouvelle génération de systèmes de contrôle et de collecte de données, comme l’utilisation du système de stockage massif de données et de l’intelligence artificielle, ce qui a conduit à un changement qualitatif dans la portée du contrôle social. L’utilisation des technologies de l’information par les terroristes dans leurs attaques et les mesures techniques pour y faire face, nous conduisent à repenser le concept de terrorisme en tant que phénomène systématique.

Atteinte à la vie privée
Début 2016, le FBI a demandé à Apple de développer un programme secret pour désactiver le cryptage sur l’iPhone d’un terroriste, ce que l’entreprise a refusé. Le logiciel peut être utilisé pour violer la vie privée d’utilisateurs ordinaires et ouvrir la porte aux gouvernements pour demander l’accès aux technologies qui violent la vie privée de millions d’utilisateurs. Le refus a été validé par les experts en sécurité et en cryptographie.

Mais quelques semaines plus tard, le FBI a annoncé qu’il avait lui-même piraté le téléphone et qu’il avait menti au public sur son besoin de plan B. Ce fut un tournant important dans la formation de la perception technique du terrorisme d’État. La guerre contre le terrorisme a réduit les droits des citoyens et n’a pas réussi à atteindre ses objectifs jusqu’à présent. Au contraire, elle a conduit à un changement dans la façon dont la société envisage le terrorisme et soulevé la peur envers la propagation du terrorisme technologique de l’État affectant les citoyens sans antécédents de terrorisme. Ainsi, la NSA pourrait activer le récepteur vocal de votre téléphone ou allumer la caméra de votre ordinateur portable sans votre connaissance, et l’argument sera toujours : «Si vous n’avez rien à cacher, ne vous inquiétez pas» ! Or, il s’agit certes d’oppression et d’atteinte à la vie privée.

Les lois antiterroristes autorisent désormais les autorités à enquêter sur les crimes non terroristes et à sanctionner sévèrement leurs auteurs. Par conséquent, le contrôle démocratique est très important pour réduire le danger de ces lois et outils techniques qui pourraient affecter tout le monde. Après les attentats de novembre 2015 à Paris, la France a renforcé les lois en vigueur dans le domaine de lutte contre le terrorisme et élargi les pouvoirs des forces de sécurité, qui avaient commencé à arrêter des personnes et à les assigner à résidence pour réprimer les manifestations contre le changement climatique. Les gouvernements d’Espagne, Hongrie et Pologne ont également promulgué des lois plus restrictives sur les libertés dans le domaine des manifestations et des libertés d’expression, ce qui risque de déboucher progressivement sur des États qui surveillent leur peuple.

Cette conception technologique crée les conditions sociales propices pour encourager à embrasser la pensée violente à un âge précoce. L’existence d’un tyran oppresseur en est le principal facteur suivi par celui de l’environnement et les influences psychologiques. Le terroriste croit aussi en son droit de résister à ce qui le menace à la recherche du salut de la société et d’un monde meilleur.

Notes de clôture
De ce qui précède, on peut considérer le terrorisme comme un comportement collectif dans le cadre d’un système social particulier, même si ses auteurs constituent un petit groupe, ce qui contredit la thèse du terrorisme comme résultat du comportement d’individus hostiles à la société. Le terrorisme est l’expression du rejet d’un système inégalitaire, non à travers les protestations mais plutôt les actions violentes de groupes non organisés à défaut de pouvoir mener une guérilla à grande échelle.

Les actes terroristes ne sont souvent pas le résultat d’un comportement individuel mais de groupes organisés pour commettre des actes de violence, expression de l’opposition à un système politique, social ou économique, notamment face à un adversaire techniquement faible, contraint de recourir à ces moyens face à la supériorité de son ennemi. En bref, le monopole des technologies de pointe affaiblit les aspirations politiques à lutter contre le terrorisme, selon l’adage «Le terrorisme est l’arme des faibles». Aussi, faut-il comprendre que l’utilisation organisée des technologies de l’information par les gouvernements et les entreprises est une étape nécessaire dans la guerre contre le terrorisme.