L’art dramatique, sous ses diverses formes, est souvent mis au banc des accusés pour sa responsabilité dans la propagation de la culture de violence et des idées pernicieuses et l’augmentation des taux de criminalité. Des voix se sont élevées sur la nécessité de resserrer le contrôle sur les œuvres d’art et de supprimer les scènes qui pourraient affecter négativement les jeunes et la société. Pire, les œuvres dramatiques deviennent une source d’inspiration pour les groupes terroristes dans la planification et la réalisation de leurs crimes, notamment s’il s’agit de terrorisme biologique de loin plus dangereux que le terrorisme conventionnel.

Différents modèles
Certaines œuvres dramatiques qui traitent du terrorisme biologique fournissent des modèles pour ce type de terrorisme et donnent des plans détaillés sur les moyens d’obtenir des armes biologiques ou de les fabriquer, et comment les utiliser pour menacer, tuer et inciter à terroriser les gens. On craint à ce niveau que les groupes extrémistes puissent s’inspirer de ces idées et les utiliser dans des opérations terroristes susceptibles de menacer la sécurité des pays et du monde. Ces craintes se sont accrues avec l’émergence de l’épidémie de Coronavirus qui a causé de grandes pertes matérielles et humaines, semé la panique dans le monde, démontré la fragilité des États face à ces épidémies et donné un exemple des effets potentiels en cas d’opérations de ce genre.

Concept et risques
Le terrorisme biologique dans son sens le plus large est l’utilisation délibérée de micro-organismes et de leurs sécrétions toxiques pour propager des maladies, tuer en masse des humains, des animaux ou des plantes, ou détruire l’environnement naturel dans lequel ils vivent. L’Organisation internationale de police «Interpol» l’a défini comme étant la libération délibérée de virus, de bactéries ou de substances toxiques pour nuire aux humains et à leur environnement et atteindre des objectifs politiques ou sociaux en intimidant les gouvernements et les citoyens. Le terrorisme biologique est considéré comme le type de terrorisme le plus dangereux. Les groupes terroristes peuvent recourir aux armes biologiques faciles à fabriquer, de faible coût et capables de se multiplier et de se répandre, une seule cellule bactérienne pouvant se multiplier par milliards en quelques heures. Ces germes sont également difficiles à détecter et faciles à répandre, que ce soit par voie aérienne, alimentaire ou aquatique. Ils peuvent causer de graves dommages et il suffit d’en parler pour semer la panique.

Des rapports indiquent que certains individus et groupes terroristes sont capables et déterminés à utiliser des substances biologiques dans leurs opérations criminelles, surtout que l’accès aux connaissances et aux données sur leur utilisation est désormais disponible sur Internet. Les terroristes disposent d’un réseau de communication fermé et secret, comme le «Dark Web» pour se procurer du matériel et échanger des informations liées au bioterrorisme, ce qui a incité les Nations Unies à donner l’alerte sur ce type de terrorisme ravageur.

Drame et terrorisme
Il existe une relation étroite entre le terrorisme biologique et le fait de visionner des films et des séries télévisées traitant de crimes de ce type. Les idées qui y sont présentées peuvent être utilisées à des fins malveillantes. Dans certains ouvrages, on retrouve différents modèles de bioterrorisme, comme suit :

Dans le contexte de la guerre froide entre les États-Unis d’Amérique et l’ex-Union soviétique, un scientifique participe à la création d’un germe mortel dans un laboratoire secret en Union soviétique, sous la menace que les membres de sa famille kidnappés soient tués. Il est alors contraint de participer à la fabrication du germe utilisé par un criminel dans un acte terroriste majeur. Dans l’un des pays du tiers monde, un groupe d’insurgés mène une attaque biologique contre un parking, ce qui ouvre la voie à l’utilisation de cette arme pour semer la panique parmi les citoyens.

Les films et séries présentent des exemples de pays sous-développés cherchant à se venger des pays développés, en réponse à des années d’oppression et de colonisation, et des complots ourdis dans les superpuissances par des clans cherchant à s’imposer par des attentats terroristes orchestrés. En plus d’histoires d’espionnage transfrontalier et de bioterrorisme diffusées en abondance sur les médias sociaux et les sites Internet.


Danger imminent
Ces précédents modèles nous incitent à réfléchir à cette question fatidique, devenue source de danger imminent menaçant le monde entier, notamment à la lumière de nombreuses théories qui cherchent à expliquer l’émergence de l’épidémie du Coronavirus et sa propagation rapide à travers le monde. Au début, la nouvelle s’est répandue que le marché de la ville chinoise de Wuhan était à l’origine de l’épidémie et que le germe s’était transmis des animaux aux humains lors des opérations de vente et d’achat.

Une autre hypothèse prétend que le germe s’est transmis des chauves-souris aux animaux, puis aux humains à proximité de cette zone. Certains scientifiques ont adopté la théorie du complot selon laquelle le germe a été développé dans un laboratoire en tant qu’arme biologique, et que la contamination est due à de la contrebande involontaire et des lacunes en biosécurité, outre des preuves d’attaques bioterroristes sans précédent, ce qui a encouragé les groupes terroristes à discuter de l’idée d’utiliser ces germes biologiques. Ainsi, des groupes affiliés à Daech ont appelé à venger le massacre des deux mosquées en Nouvelle-Zélande en 2019 et lancé des campagnes de promotion d’armes biologiques. L’organisation avait publié auparavant un clip vidéo sur le bioterrorisme, suggérant les germes «Henta» qui infectent les poumons et causent le choléra et la typhoïde et qui peuvent être utilisés par les terroristes solitaires.

Tout cela confirme que le monde d’aujourd’hui est confronté à une grave menace de terrorisme biologique réelle et non à de la fiction romanesque, ce qui nécessite une action internationale rapide face à l’accès du terrorisme à ces armes redoutables.

Sécurité et confrontation
La sécurité biologique signifie les procédures et mesures associées à la manipulation de matériel biologique dans les laboratoires pour empêcher l’exposition involontaire et l’accès illégal aux toxines, ainsi que leur perte, leur vol ou leur utilisation abusive intentionnelle ou non. La biosécurité porte sur les mesures de protection, de contrôle et de responsabilité pour éviter la perte du matériel biologique.

Les Nations Unies ont exprimé leur inquiétude quant à la menace que cela pose pour les États et les citoyens si des groupes terroristes usent délibérément d’agents biologiques dans leurs opérations. La question a été discutée lors de conférences et de réunions d’experts en armes biologiques au siège des Nations Unies. Ces débats interviennent en réponse aux effets désastreux pouvant résulter du recours à ces armes susceptibles de transformer la vie humaine en terreur endémique et en deuil permanent.

Quoique les rapports indiquent que les terroristes continueront d’utiliser des méthodes traditionnelles dans leurs opérations mais l’usage d’armes biologiques pour provoquer des pertes massives reste très probable dans un avenir proche, ce qui a été confirmé par la plupart des hypothèses et études scientifiques et l’évolution de la conjoncture actuelle. Aussi, préserver la vie et la santé humaines et la stabilité des États à long terme impose-t-il des mesures tangibles pour faire face à ce terrorisme biologique potentiel, dont notamment:
  • Contrôle strict de l’activité scientifique dans les laboratoires de biologie afin de ne pas en user à mauvais escient par certains individus ou groupes.
  • Établir des contrôles obligeant les revues scientifiques à assumer leurs responsabilités vis-à-vis des articles scientifiques dans le domaine biologique, afin d’éviter de publier des recherches mettant en danger la santé publique ou la sécurité nationale.
  • Adopter des bases de données permettant de prévoir et de contrecarrer les menaces potentielles de terrorisme biologique contre l’État et ses citoyens.
  • Mettre en place un système de surveillance épidémiologique et l’armer d’outils lui permettant de traiter avec professionnalisme les questions de biosécurité.
  • Renforcer les capacités des États et des institutions sanitaires et sociales à faire face à de tels dangers, notamment sur le plan de prévention, préparation et réponse, et à prendre des contre-mesures médicales en cas d’attaque de ce genre.
  • Coordonner les efforts internationaux à toutes les étapes de la gestion des risques biologiques et élaborer des plans stratégiques intégrés pour faire face à cette réalité émergente.
  • Disposer de médicaments et de vaccins qui traitent des effets d’une éventuelle attaque chimique ou biologique.

Nécessité d’harmonisation
Il est impérieux par ailleurs que les mesures légitimes prises par les gouvernements pour lutter contre le bioterrorisme potentiel n’entravent pas la liberté de la recherche scientifique et la diffusion de ses résultats, et qu’elles tiennent compte des enjeux cruciaux, tels que les cas d’injustice sociale, économique et politique. Ainsi, des millions de personnes meurent dans les pays pauvres faute du minimum de soins et de traitement, alors que les superpuissances stockent d’énormes quantités de vaccins pour les cas d’urgence et que les entreprises cachent les brevets de leurs découvertes.

Il ne fait aucun doute que la crise pandémique de Coronavirus a révélé que les menaces pouvant être causées par le terrorisme biologique sont en croissance et que les menaces à la sécurité nationale ne se limitent plus aux aspects militaires ou économiques, ce qui nécessite de prendre différentes mesures pour faire face à ce danger, de trois façons :

Primo: Fermer toutes les voies à l’accès des groupes terroristes aux armes biologiques, car ils n’hésiteront pas à les utiliser pour atteindre leurs objectifs destructeurs.

Secundo : Bien se préparer au niveau national et international pour faire face aux risques d’attaques biologiques.

​Tertio : Utiliser les œuvres dramatiques, vu leur impact profond sur la sensibilisation sociétale contre ces dangers et les moyens de les contrer pour en limiter les effets catastrophiques.

Il reste à dire que s’il y a des craintes que les œuvres dramatiques puissent constituer une source d’inspiration pour les groupes terroristes, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles peuvent être aussi une source d’inspiration pour les États et les institutions afin de prendre les mesures appropriées pour faire face à de tels risques.