L'islamophobie se définit comme « une peur excessive des musulmans, ou de ce qui est lié à la religion islamique, comme: les mosquées et le Coran ». L'efficacité et la faisabilité des mesures prises pour faire face à ce phénomène constituent un élément important à travers lequel se détermine l'image des musulmans dans les sociétés occidentales et européennes: soit en les reconnaissant et en les acceptant comme une composante du tissu social, soit en les rejetant et en les marginalisant en tant qu'étrangers incarnant l'autre, celui qui possède une culture, une civilisation et une religion différentes.

En raison de l'islamophobie croissante, notamment dans les pays du continent européen, des questions urgentes se posent quant aux positions des gouvernements face à ce phénomène haineux qui conduit à des conflits et à des crimes qui menacent la stabilité de ces pays. Il ne fait aucun doute que les pays occidentaux ont une méthode particulière dans la gestion des questions et des dossiers importants, en particulier ceux liés à la sécurité interne et à la stabilité sociale. C'est ce qui rend l'approche euro-occidentale de ce dossier digne d'être analysée et comprise pour que la réalité de la situation apparaisse clairement face aux accusations de laxisme adressées aux gouvernements occidentaux dans la lutte contre l'islamophobie.

Efforts internationaux

La communauté internationale a accordé une grande attention aux mécanismes de lutte contre l'islamophobie, notamment en Europe. Elle a travaillé à leur développement, non seulement pour maintenir la stabilité interne, mais aussi parce que ce phénomène s'est mondialisé, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001. L'effort international doit donc être proportionnel à l'ampleur de ce défi. L'émergence de l'extrémisme et du terrorisme à des niveaux très dangereux ont incité tout le monde à corriger les concepts et les convictions qui ont suscité ces courants, y compris le phénomène de l'islamophobie. En témoigne l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies lors de sa quarante-sixième session d'une demande du Pakistan visant à faire du 15 mars la journée internationale de lutte contre l'islamophobie.

Les Nations Unies, en coopération avec le Bureau des institutions démocratiques de l'UNESCO, ont publié une déclaration d'orientation sur la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans. L'extrémisme et le terrorisme ne doivent être liés à aucune religion, nationalité, civilisation ou groupe ethnique. L'organisation du Conseil de l'Europe chargée des droits de l'homme a, pour sa part, appelé dans plusieurs résolutions à encourager l'établissement d'un dialogue mondial pour promouvoir une culture de tolérance et de paix basée sur le respect de la diversité des religions et des croyances.

Face au risque d'aggravation du phénomène, les pays occidentaux ont mis sur pied de nouvelles fonctions pour surveiller l'islamophobie. La Commission européenne a nommé en 2015 le coordonnateur de l'Union européenne pour la lutte contre la haine des musulmans afin d'assurer que la Commission donne une réponse forte et globale à cette question et de renforcer les politiques d'intégration et d'inclusion pour toutes les composantes de la communauté européenne. Les États-Unis ont créé un bureau au sein du ministère des Affaires étrangères et ont nommé un envoyé spécial pour lutter contre l'islamophobie au niveau mondial. Il en va de même pour le Canada, qui a récemment annoncé la nomination de la journaliste et militante Amira Al-Ghawabi comme première représentante spéciale chargée de lutter contre l'islamophobie.

La création de ces fonctions dans les pays occidentaux peut avoir un impact efficace pour freiner la propagation de ce phénomène qui inquiète le monde entier. Quoi qu'il en soit, cet alignement international n'est pas le fruit du hasard. Le rapport 2022 de la Coordination de lutte contre l'islamophobie en Europe a enregistré 467 incidents liés au racisme, 128 incidents liés à la haine et à la provocation, 71 incidents liés aux insultes, 59 incidents liés au harcèlement moral, 44 incidents liés à la diffamation, 27 incidents liés à des agressions physiques et 33 incidents liés à la loi contre le séparatisme.

Des dispositions lâches

Les critères pour juger les expériences et évaluer les politiques diffèrent d'un chercheur à l'autre et ils sont liés aux preuves dont dispose chacun d'entre eux, notamment dans un dossier aussi délicat que la lutte contre le terrorisme ou contre l'islamophobie. Les approches à adopter pour les contrer est une question qui reste floue. Par conséquent, présenter un modèle occidental ou européen basé sur la formation d'une génération de musulmans pour gérer les institutions religieuses — au lieu de les recruter à l'étranger — confirme que tout le monde est inquiet et essaye de gérer cette crise selon une stratégie qui convient à ses intérêts nationaux et idéologiques.

Pour que cet exposé ne soit pas seulement un récit théorique, nous pouvons dire que les politiques des gouvernements occidentaux face à l'islamophobie possèdent trois caractéristiques:

Une réponse forte lorsque le pays fait face à une attaque terroriste directe. Alors, toutes les institutions ainsi que l'opinion publique mondiale sont mobilisées. Mais la force de cette confrontation diminue lorsque la menace est potentielle ou latente. Chose que nous avons constatée en France en 2015, qui a été le théâtre d'une série d'attentats terroristes (fusillades, attentats suicides) qui ont fait 150 victimes. Tous les gouvernements du monde se sont solidarisés avec la France et une marche d'un million de manifestants a été organisée et à laquelle ont participé 40 Premiers ministres du monde entier.

Le postulat qui les fait hésiter à interdire ou à arrêter les provocations émanant de certains populistes, de militants de l'extrême droite ou de migrants qui surfent sur la vague de la haine de la religion, comme cela s'est produit en Suède avec la brûlure répétée du Coran au motif qu'il s'agit d'une liberté individuelle. Du moment que cette caractéristique constitue une lacune dans l'approche européenne de la lutte contre le terrorisme, les organisations internationales ont commencé à y remédier, comme le vote du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, qui a reconnu que brûler le Coran représente une offense aux minorités musulmanes en Europe.

La réponse à la participation aux menaces extérieures qui nécessitent un consensus international, comme cela s'est produit dans la lutte contre les organisations terroristes, Daech et Al-Qaida, en partant du principe que le danger peut se déplacer d'un pays à l'autre de différentes manières. La plus en vue d'entre elles est ce qu'on appelle « les loups solitaires », qu'il s'agisse des individus qui sont nés dans ces pays, mais qui ne sont pas satisfaits de leur situation sociale, ou des migrants qui ont réussi à s'infiltrer en Europe au cours de la dernière décennie après l'état de chaos qui s'est répandu au Moyen-Orient à cause de la crise sécuritaire que connaît la région depuis le début du siècle en cours.

La leçon néo-zélandaise

L'adoption de politiques par les gouvernements des pays occidentaux et européens qui freinent l'islamophobie contribue efficacement au traitement radical du phénomène. Dans ce contexte, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a adopté l'une des meilleures approches dans la lutte contre l'extrémisme anti-musulman. Après l'attentat monstrueux contre les deux mosquées de Christchurch en 2019, qui a coûté la vie à 51 fidèles, Jacinda Ardern, alors Premier ministre, a pris une série de décisions, notamment: modifier les procédures de port d'armes, traduire en justice l'auteur de l'attentat, décréter un deuil national à la mémoire des victimes, comme elle avait porté des vêtements islamiques pour montrer sa solidarité avec les familles des victimes.

Ardern a aussi critiqué la pensée politique nationaliste fondée sur le suprémacisme blanc, a rejeté tout ce qui liait l'immigration à la violence ou à la haine, a appelé à une campagne mondiale pour éradiquer le terrorisme et a exercé une pression politique et médiatique sur l'extrême droite et les populistes occidentaux afin de modifier leur discours politique extrémiste contre les musulmans et les autres immigrants.

En plus de tout cela, des forces politiques néo-zélandaises de diverses orientations ont dénoncé l'opération terroriste. L'intérêt de l'étude de l'expérience néo-zélandaise est que le gouvernement de ce pays a présenté une image opposée à ce que l'on sait généralement du rôle des gouvernements occidentaux dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme. En effet, jamais auparavant un pays n'avait adopté une telle position qui consiste à soutenir la victime contre un terroriste idéologiquement différent de l'autre. En outre, la solidarité des sociétés occidentales, en particulier française, confirme que l'Occident a traité le phénomène avec un sens de responsabilité.

Des raisons logiques

Il n'est sans doute pas possible de tenir les gouvernements occidentaux pleinement responsables de ce qui se passe dans leur pays ou n'importe où dans le monde ni d'accepter l'opinion selon laquelle l'Occident est laxiste dans la lutte contre le terrorisme. Or l'Occident a des raisons suffisantes pour mener une véritable guerre contre l'islamophobie et l'extrémisme. Parmi celles-ci figurent:

Tout recul ou laxisme aura des conséquences désastreuses pour tout le monde, même si ce n'est pas dans le pays lui-même, comme cela s'est produit lors des attentats à la bombe contre des touristes australiens à Bali. Ce recul peut, en effet, être interprété par les terroristes comme une sorte de faiblesse et cela va renforcer leur conviction dans leur capacité à intimider les gouvernements occidentaux. Ceci est manifestement faux et ne sert pas l'image des États occidentaux.

L'inaction ou le recul devant un acte terroriste dirigé contre les musulmans ou d'autres s'apparente à un encouragement de la part des gouvernements occidentaux aux terroristes à poursuivre leurs actes criminels. Cela revient à autoriser d'autres actes terroristes, surtout avec la propagation de nombreuses idées extrémistes.

Supposer que les gouvernements occidentaux ne luttent pas contre le terrorisme, l'extrémisme et les discours de haine contredit l'image stéréotypée créée par leurs sociétés humaines fondées sur la stabilité et la sécurité, qui permettent à toutes les idées et religions d'exister et de coexister sous leurs lois qui protègent l'ensemble des citoyens et qui rejettent les idées extrémistes qui appellent à la division et à la discorde. Par conséquent, l'extrémisme d'une frange de la société, qu'elle soit minoritaire ou majoritaire, engendre automatiquement l'extrémisme de la frange opposée. C'est ce qu'on constate dans de nombreux pays africains, et les gouvernements occidentaux en sont bien conscients.

En conclusion

Les convictions politiques occidentales concernant la lutte contre le terrorisme reposent sur l'idée que les approches sécuritaires ne suffisent pas à elles seules à éliminer ce phénomène, mais qu'elles favorisent plutôt les tensions et l'oppression. Le terrorisme est un phénomène d'essence social qui comporte plusieurs facettes et qui nécessite donc de multiples méthodes pour le traiter. Partir de ce postulat permet de faire une bonne évaluation de l'approche occidentale, qui s'appuie sur des mesures juridiques et politiques pour maintenir la sécurité publique. En somme, il est urgent de renforcer les mesures visant à lutter contre la haine ciblée, de poursuivre leurs auteurs partout dans le monde et de lancer des campagnes d'information globales sur les musulmans et l'islam afin de dissiper les mensonges et les idées fausses qui se sont propagés à leur égard.​