Le comportement abusif qui cible un individu ou un groupe spécifique sur la base de caractéristiques identitaires inhérentes est appelé « discours de haine ». Il apparaît sous de nombreuses formes et conduit souvent l'individu à commettre des actes de violence et des comportements racistes extrémistes, d'une manière qui contribue à la propagation du racisme. Les facteurs contribuant à la diffusion de ce discours varient d'un pays à l'autre, selon les conditions (sociales, politiques, religieuses, etc.).

Les groupes violents utilisant ce discours adoptent diverses justifications pour diffuser leur idéologie, ce qui soulève un certain nombre de questions pour les chercheurs et les spécialistes sur les motivations des groupes quant à l'utilisation du discours incendiaire contre un individu ou groupe d'individus au sein d'un même État.

Pour tenter de répondre à ces questions, nous examinons quelques exemples dans lesquels les discours de haine conduisant à la violence se sont répandus dans certains pays dans une perspective historique.

Différents concepts

Il n'existe pas de définition spécifique du discours de haine, notamment dans le contexte de la liberté d'opinion et d'expression. De nos jours, les technologies de communication et les médias ont fourni diverses plateformes pour diffuser des contenus incendiaires incitant à la haine et au mépris d'autrui.

Ces contenus portent atteinte aux valeurs démocratiques, à la paix et à la stabilité politique, contribuent à la propagation des crimes de haine et de la violence et conduisent à des de crimes et à des génocides.

Le « discours de haine » est défini comme une forme d'expression offensante envers un groupe sociétal sur la base de caractéristiques inhérentes, telles que la race, la religion ou le sexe menaçant ainsi la paix sociale.

Les Nations Unies le définissent comme: « Tout type de communication orale, écrite ou comportementale qui attaque ou utilise un langage désobligeant ou discriminatoire à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes sur la base de son identité, c'est-à-dire sur la base de la religion, de l'origine ethnique, affiliation, nationalité ou « race, couleur, ascendance, sexe ou autre déterminant de l'identité »

Les victimes de crimes haineux appartiennent souvent à des segments vulnérables de la société, possédant des caractéristiques qui motivent les auteurs de ces crimes à commettre davantage de violences.

Motivations des sympathisants

Pour comprendre les incidents de haine et de violence résultant de l'utilisation de discours incendiaires perturbateurs, nous nous référons au rapport de recherche publié par CNN comme étude de cas, dans lequel en 1993, des sociologues (Jack McDevitt et Jack Levin) ont examiné un groupe de dossiers de crimes de haine et de violence au sein du département de police de Boston, qui a atteint 169 dossiers, et le rapport conclut qu'il existe quatre catégories d'auteurs de crimes de haine:

Premièrement: Les chercheurs de sensations fortes: ces auteurs sont motivés par l'excitation et le drame pour commettre leurs crimes, et comprennent des groupes de jeunes dangereux qui n'ont souvent pas de raison logique pour leurs actes. Mc Devitt a expliqué que 70 % des crimes d'incitation étaient des agressions brutales sur les victimes.

Deuxièmement: les défenseurs: les attaquants se présentent comme des défenseurs pour protéger leur religion, leur communauté ou leur pays. Ils ciblent des victimes spécifiques, défendent vigoureusement leurs actions et sont parfois motivés par un événement spécifique comme dans le cas où une famille musulmane ou noire déménage dans le quartier dans lequel ils vivent.

Troisièmement: les Vengeurs: ce sont ceux qui commettent des crimes haineux par vengeance, ou en réponse à une inimitié personnelle, au terrorisme ou à autre chose. Les vengeurs agissent généralement seuls et ciblent les membres de groupes ethniques, raciaux ou religieux en représailles, même si les victimes n'y sont pour rien. Parfois, ils se rendent sur les terres des victimes pour lancer des attaques de vengeance.

Cette classe inclue ceux déployés après les attentats du 11 septembre, les crimes haineux contre les musulmans ont augmenté de 1 600 % après ces attentats, et 2015 a également enregistré une augmentation similaire après les attentats de Paris.

Quatrièmement: les mercenaires: ce sont les auteurs les plus meurtriers, leur mission est de faire la guerre aux groupes ciblés ou à leurs adversaires de différentes races ou religions. Les mercenaires ciblent des personnalités importantes et des sites d'importance symbolique. Pour attirer le maximum d'attention, ils s'efforcent de justifier les actes de violence excessifs qu'ils commettent. Ces crimes sont similaires aux crimes terroristes dans leur nature et leur rhétorique.

Des précédents historiques

De notre temps, le monde a été témoin de crimes violents généralisés, équivalant à des génocides. Dans le même temps, les médias sociaux ont joué un rôle central en fournissant des plateformes numériques permettant la diffusion de discours incendiaires, de désinformation, de slogans haineux et d'idéologies extrémistes, ce qui a conduit à une multiplication des actes de violence. Voici quelques exemples de crimes violents résultant de discours de haine:

Massacres au Cambodge

Le Cambodge est apparu en 1953 comme une monarchie constitutionnelle sous le règne du prince Sihanouk, qui a ensuite été renversé en 1970, alors que le mouvement Khmer rouge, dirigé par Pol Pot, a lancé une campagne de propagande massive pour mobiliser la population rurale et prendre le pouvoir. Une fois au pouvoir, il a lancé une campagne massive pour construire une société composée exclusivement de paysans travailleurs, a menacé tout ce qui avait trait à l'influence occidentale et a forcé les citadins à travailler dans des projets agricoles.

À la suite de campagnes de propagande et de discours de haine, les sectes du peuple cambodgien se sont fait des ennemis de nombreuses minorités, en particulier les Chinois de souche, les chrétiens, et les musulmans, et ont pris pour cible de nombreux autres groupes, comme ceux qui portent des lunettes ou parlent des langues étrangères, et ceux qui arrêtent de travailler dans l'agriculture sous prétexte d'être intellectuels ou instruits.

On estime qu'entre 1975 et 1978, environ 1,25 million de Cambodgiens sont morts à cause des crimes des Khmers rouges et que le génocide des minorités cambodgiennes a pris fin après l'intervention de l'armée vietnamienne et le renversement du régime de Pol Pot en 1978.

Génocide au Rwanda

Le génocide rwandais est le résultat d'une campagne organisée de massacres qui s'est déroulée sur 100 jours, d'avril à juillet 1994. Il est le résultat de décennies de discours de haine qui ont transcendé les tensions ethniques en répandant des rumeurs infondées sur la communauté ethnique tutsie. La propagande haineuse diffusée par divers médias appartenant à l'ethnie Hutu, qui représente plus de 84% de la population totale, a incité à l'assassinat de la minorité tutsie, distinguée du point de vue social, économique et politique, car les messages de haine et la propagande à leur encontre se sont multipliés. En trois mois, plus de 800 000 personnes de la minorité tutsie ont été tuées, parmi lesquelles des hommes, des femmes et des enfants, et environ 250 000 femmes ont été violées.

Massacre de Srebrenica

Au début de 1992, les forces serbes de Bosnie ont pris pour cible la ville de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie-Herzégovine, pour la contrôler. Leur objectif premier était d'annexer cette région et de l'intégrer à la République voisine de Serbie. Dans les régions à majorité serbe, des campagnes de propagande constantes ont été menées dans les médias contre la communauté musulmane bosniaque, et ces derniers ont été présentés comme des ennemis extrémistes violents complotant contre les Serbes. On estime que le génocide en Bosnie a entraîné la mort de plus de 100 000 personnes et la perte de 20 000 autres. Après trois ans de guerre, ce conflit a laissé de profondes traces sur les survivants de la communauté ethnique musulmane de Bosnie.

Crimes de haine

Le génocide des musulmans Rohingyas est un exemple flagrant de «campagne de haine », avec de graves violations des droits humains commises dans l'État de Rakhine, au nord du Myanmar. Le discours de haine, l'incitation à la violence et la désinformation, ainsi que les propos insultants et inhumains contre la minorité musulmane Rohingya au Myanmar avaient un rôle dans le génocide et les violations flagrantes des droits humains au Myanmar entre 2012 et 2017.

Selon l'organisation médicale Médecins sans frontières, environ 6 700 Rohingyas, dont au moins 730 enfants, ont été tués après l'accroissement de la violence, tandis que 288 villages ont été partiellement ou totalement détruits par un incendie dans le nord de l'État de Rakhine.

En août 2018, plus de 725 000 Rohingyas avaient fui vers le Bangladesh. La Mission internationale indépendante d'enquête sur le Myanmar a publié un rapport documentant les atrocités systématiques, telles que des incidents de meurtres, de viols massifs, de torture et de déplacements forcés.

En conclusion

L'histoire compte de nombreux crimes commis par haine et mépris envers autrui et constituant une menace pour les valeurs sociales, la stabilité politique et la paix. Il faut donc prévenir les conflits qui pourraient en résulter, restreindre l'utilisation des réseaux sociaux et distinguer entre liberté d'expression et mépris d'autrui. Il s'agit pour les Nations Unies, les forces internationales et les organisations de défense des droits de l'homme de protéger des individus, des groupes et des minorités contre la violence, les crimes et le génocide commis en raison de la religion, de la race, du sexe ou de la couleur.​