​La propagation du terrorisme a conduit à une phobie de sécurité internationale, vu ses risques sur tous les pays du monde. Cet article examine la conversion des organisations extrémistes violentes à l’action politique officielle et analyse la mutation de l’IRA d’un groupe terroriste en un partenaire politique.

Du terrorisme à la politique
Tout au long de l’histoire, les mouvements d’indépendance et les groupes séparatistes utilisent la force armée pour atteindre leurs objectifs et imposer leurs visions politiques. Selon certains chercheurs, le terrorisme est un moyen de violence politique au même titre que l’insurrection militaire, les assassinats politiques et les guerres de gangs. D’autres chercheurs attribuent les racines du terrorisme aux privations économiques et à la marginalisation politique. L’émergence des organisations armées commettant des actes terroristes coïncident souvent avec de mauvaises conditions sociales et politiques. Néanmoins, Certains chercheurs rejettent toute justification d’actions armées, ou que les organisations terroristes jouissent d’une quelconque légitimité pour leurs actions terroristes, et ils pensent que la recherche des causes profondes du terrorisme peut légitimer et justifier leurs actions.

La transformation de l’IRA d’une organisation terroriste en une force politique est un modèle réussi qui culmine avec la signature de l’accord de Belfast en avril 1998 entre les gouvernements britannique et irlandais. L’IRA a fondé son extrémisme sur trois bases : le déni complet de la souveraineté britannique en Irlande du Nord, le manque de coopération avec les institutions politiques pour avoir rejeté sa légitimité, et l’usage de la violence pour unir l’Irlande.

Entre 1969 et 1994, l’IRA a tué environ 1800 personnes, dont 600 civils, et dispose désormais, dès les années 1990, suffisamment d’armes pour faire la guerre encore pendant dix ans via l’extorsion et le commerce illégal.

Les actions de l’IRA sont devenues une véritable menace pour le système politique établi. L’organisation a lancé une série d’attaques majeures à Belfast, tuant 9 personnes et blessant 130 personnes. Le gouvernement britannique a riposté en déployant des chars dans les zones de Belfast tenues par l’IRA. Le 21 novembre 1974, l’IRA a ciblé deux pubs à Birmingham, tuant 61 personnes et blessant 182. En novembre 1987, une fête a été prise pour cible à Enniskillen. Bilan : 11 citoyens ont été tués et 63 blessés. Le 20 mars 1993, l’armée revendiquait l’attentat à la bombe contre un centre commercial à Warrington, faisant 12 morts et 20 blessés.

Il est à noter que plusieurs tentatives vers une solution politique ont été faites, mais elles ont voué à l’échec. Au début des années 1970, le gouvernement britannique a introduit des réformes juridiques pour régler les problèmes de discrimination et a conclu un accord politique en 1973 pour établir un gouvernement au pouvoir conjoint, mais l’accord s’est effondré en raison du manque de coopération de la communauté protestante. La grève de faim en 1981 a causé la mort de 10 prisonniers dont la plupart était de l’IRA.

Puis l’IRA s’est orientée vers la politique tout en continuant les hostilités. Le parti «Sinn Fein», aile politique de l’IRA, a eu une importante contribution à cette orientation et a commencé à élaborer un plan politique pratique. Malgré cela, le gouvernement britannique a engagé une communication avec l’IRA jusqu’en 1990, mais sans résultats concrets. Après avoir réalisé de l’impossibilité d’une solution militaire, les deux parties ont convenu d’un cessez-le-feu et de la nécessité de promouvoir les négociations. En août 1994, l’IRA a déclaré un cessez-le-feu complet et le processus de paix officiel a débuté.

Cesser la violence ne suffit pas
Le cessez-le-feu et l’acceptation de participer aux élections ou au dialogue politique n’étaient pas suffisants pour la transition pacifique. Cette mutation ne peut être acceptée comme une étape fiable tant que les groupes terroristes armés n’ont pas dénoncé les activités violentes et abandonné complètement toute menace pour l’autorité de l’État.

Les États et les gouvernements refusent souvent de mener tout dialogue politique avec des groupes extrémistes, comme c’était le cas à la fin des années 1990 lorsque le Premier ministre espagnol a refusé de négocier avec le groupe séparatiste «ETA». De même, le gouvernement turc a refusé de dialoguer avec le PKK en 2000 par crainte qu’il ne renouvelle ses revendications sécessionnistes. Les conflits armés se terminent souvent soit par la victoire de l’une des parties, la répartition géographique et démarcation des frontières nationales, ou la négociation entre les parties en conflit.

Dans le cas de l’IRA, qui était armée, radicale et révolutionnaire, elle ne rejetait pas la démocratie mais son objectif était de lutter pour le socialisme, la démocratie et l’union avec l’Irlande. Pour elle, l’autodétermination était impossible sous souveraineté britannique, mais elle a choisi la voie de l’extrémisme, de la violence et du terrorisme pour atteindre ses objectifs politiques. Alors que le Sinn Fein participait aux élections, elle poursuivait ses actions armées jusqu’à ce qu’un processus formel de rétablissement de la paix ait commencé.

Etapes de la paix
Le processus de paix en Irlande du Nord a connu plusieurs étapes. Il a débuté par le dialogue politique au niveau des élites entre les deux gouvernements et les partis politiques, l’objectif principal de ces négociations étant de parvenir à un accord sur le fonctionnement futur des institutions politiques en Irlande. L’une des étapes de cette phase du dialogue était la tenue d’élections en mai 1996.

Puis, le 10 avril 1998, les pourparlers entre les partis politiques aboutirent à l’accord du Vendredi Saint, signé par le gouvernement irlandais, le gouvernement britannique et dix partis politiques, selon lequel l’Irlande du Nord continuera à faire partie du Royaume-Uni et que la revendication de la République d’Irlande sur l’ensemble de l’île d’Irlande serait retirée.

Cependant, avec le consentement de la majorité de la population, l’Irlande du Nord pourrait devenir une partie de l’Irlande unie. La décision de désarmer les groupes armés était un élément clé de l’accord soutenu par les principaux partis politiques, à l’exception de l’Union démocratique qui a refusé de faire partie du pouvoir exécutif en raison du refus de l’IRA de déposer les armes.

Le processus de consolidation de la paix s’est poursuivi en partenariat avec les partis locaux et des élections ont eu lieu pour établir des gouvernements locaux, restructurer le système de sécurité et de justice, s’occuper des droits de l’homme et des questions d’égalité et désarmer les groupes extrémistes violents. Plusieurs tentatives ont été faites pour créer un conseil d’administration efficace et pour redistribuer le pouvoir exécutif. Le 28 juillet 2005, l’IRA a officiellement annoncé la fin du conflit armé et l’abandon de ses armes sous la supervision des membres du Comité de surveillance indépendant et sa volonté d’atteindre ses objectifs par des moyens politiques et pacifiques.

Le Sinn Fein a approuvé la légalité du processus de réforme de la police et le Parti unioniste démocrate a accepté de partager le pouvoir exécutif avec lui. L’affaire a été réglée en 2006, dans l’accord «St. Andrews», et de nouvelles élections ont eu lieu en mai 2007, ce qui a entraîné le retrait de l’armée britannique des rues et la suppression de son infrastructure militaire.

Le processus de paix en Irlande du Nord était inclusif et multilatéral impliquant des partis politiques autochtones, les gouvernements irlandais et britannique et la société civile, soutenu par le gouvernement américain, des acteurs internationaux clés et l’Union européenne, pour passer d’un conflit armé à une paix durable.

Modèle réussi
L’Irlande du Nord est un modèle réussi pour la transition d’un conflit armé à la paix, et l’IRA constitue un modèle important pour la transition de la pratique du terrorisme à l’action politique. L’armée irlandaise est en mesure de fournir une étude de cas confirmant que mettre fin à l’extrémisme et à la violence ne suffit pas pour construire la paix dans une société profondément divisée, et nécessite également de remédier à la situation de combat.

À moins que les problèmes fondamentaux qui conduisent à la pratique de la violence ne soient résolus pour atteindre des objectifs politiques, et si la lutte contre la violence se limite au seul recours à la force militaire, la violence pourra reprendre à tout moment. Par conséquent, une paix véritable, globale et durable ne peut être construite sans identifier et traiter les racines du conflit qui ont poussé l’inclusion des «individus vulnérables» aux groupes extrémistes et armés.

La structure de l’IRA, ses objectifs et l’essentiel de son discours reposent sur trois dogmes : le rejet de la souveraineté britannique, le refus de participer aux institutions politiques existantes et l’adoption du combat pour atteindre ses objectifs. Par conséquent, le processus de paix global visait à restructurer les institutions politiques, garantir une action conjointe entre les représentants de sociétés divisées et impliquer les partis politiques locaux et les acteurs paramilitaires dans les négociations.

  La transformation du conflit armé en Irlande du Nord en une paix durable et la conversion de l’IRA d’une organisation terroriste en une force politique ont fourni finalement un modèle réussi pour les sociétés en proie à des conflits armés et à des troubles.