Le phénomène de recrutement d’enfants au Yémen est l’une des formes les plus graves de violations des droits humains aux niveaux local et international. La guerre qui se déroule dans le pays depuis des années a engendré des conditions politiques, économiques et sociales tragiques qui ont aggravé la situation générale dans le pays, en particulier pour les enfants. À cause de la pauvreté, de la faim, du conflit en cours et des attaques constantes contre les écoles, les enfants font l’école buissonnière et se trouvent impliqués de gré ou de force dans les combats et dans toutes sortes de missions militaires et sécuritaires.

Les Houthis et le recrutement d’enfants
L’UNICEF qui souligne que l’éducation de qualité est un droit pour chaque enfant et que les décideurs doivent en faire une priorité, a récemment publié un rapport confirmant que près de deux millions d’enfants au Yémen ont abandonné l’école, ce qui fait des enfants du Bienheureux Yémen, qui ne l’est plus, les plus misérables, les plus déscolarisés et les plus exploités au recrutement et au combat.

Les lois et les normes locales et internationales assurent la protection de l’enfance, toutefois les enfants du Yémen sont privés de toute protection. Ils sont soit parmi les conscrits sur les fronts, soit avec les ouvriers à exercer des métiers pénibles, ou déplacés avec leurs familles, ou bien encore victimes de violences et de terrorisme, entre morts et blessés. Selon un rapport des Nations Unies sur les enfants et les zones de conflit, le phénomène du recrutement d’enfants et de leur implication dans les guerres au Yémen a atteint des chiffres alarmants, le mouvement armé Houthi assumant la plus grande part de cette tragédie, avec plus de 77% des cas d’enfants recrutés au Yémen, tandis que pour les cas documentés, les forces gouvernementales assument 16%, les forces de sécurité affiliées au Conseil de transition 5% et 2% se répartissent entre le reste des groupes et organisations.

Le groupe Houthi profite des centres d’été et des écoles au Yémen pour recruter des enfants, après leur avoir dispensé une formation idéologique sectaire d’un mois, avant de les jeter dans le brasier des combats. Ces enfants se chargent d’autres missions comme de distribuer les fournitures, recueillir les informations, construire des fortifications, creuser des tranchées et poser des mines.

L’organisation yéménite “Siyaj” pour les droits de l’enfant a évoqué la polarisation par les Houthis de plus d’un demi-million d’enfants en 2020, à travers six mille camps d’été, dans l’espoir d’impliquer nombre d’entre eux dans les batailles contre les forces de la légitimité. Dans son recrutement d’écoliers, le groupe Houthi mise sur la tentation financière, l’aide alimentaire, l’octroi de grades militaires ou la conscription forcée.  Par le biais des enlèvements ou des menaces. Il inonde également les zones sous son contrôle de stupéfiants, pour intoxiquer les enfants et les forcer plus tard à rejoindre ses camps et aller aux fronts en échange de drogues. Ainsi, l’enfant au Yémen quitte l’école pour aller faire la guerre du côté des belligérants en conflit.

Statistiques choquantes
Selon le Délégué permanent du Yémen auprès des Nations Unies, SE l’Ambassadeur Abdullah Al-Saadi, le groupe
Houthi a réussi à recruter environ 30.000 enfants de moins de dix-sept ans, dont la plupart sont originaires des villes de Sanaa, Dhamar, Amran, Al-Mahwit et Hajjah. Ils ont été répartis entre les différentes zones de conflit pour participer directement aux hostilités, ce qui constitue une violation flagrante des conventions et lois internationales des droits de l’enfant.

Un récent rapport international publié par l’Observatoire des droits de l’homme euro-méditerranéen et l’Organisation yéménite SAM pour les droits et les libertés a confirmé que les Houthis utilisaient environ 52 camps pour former des milliers d’élèves et d’enfants âgés de 10 à 18 ans. Les camps commencent par déformer leur identité yéménite et arabe, leur inculquent des idées sectaires extrémistes et de faux slogans, pour ensuite leur apprendre à manier les armes.

La détérioration significative de la situation économique a contribué à accroître le phénomène de recrutement d’enfants au Yémen. De nombreuses familles acceptent d’enrôler leurs enfants afin d’obtenir un retour financier, même modeste pour les aider à subvenir à leurs besoins vitaux, notamment après la hausse des prix et l’interruption des salaires des civils et militaires pendant des années. Certaines familles ne savent rien du recrutement de leurs enfants jusqu’à ce que leurs corps infantiles sans vie leur soient restitués ou qu’ils soient blessés au combat.

Histoires tragiques
Des centaines d’histoires tragiques d’enfants constituent un véritable cauchemar dans un pays trempé de sang, après le putsch Houthi contre la légitimité. Il se peut que vous trouviez deux frères, chacun combattant avec l’une des parties au conflit, et chacun pointant son fusil contre son frère, ce qui pousse leurs parents au bord de la folie.

Un autre récit raconte l’histoire d’un père à qui on remet un cercueil décoré avec la photo de son enfant unique, de faux slogans et de roses, pour découvrir que la boîte ne contenait que des lambeaux de chairs, qui sont ce qui reste de la dépouille de son fils.

Lavage de cerveau
L’enfant (M.A. S) originaire de Dhamar, âgé de moins de 14 ans, étudiait dans les classes moyennes et espérait devenir un jour médecin, ingénieur ou enseignant. Ses parents l’ont envoyé au centre d’été pour renforcer ses compétences et affiner ses talents. Il était intelligent, doué et premier de sa classe, mais il est revenu du centre avec une idée complètement différente. Il a essayé en vain de convaincre sa famille pauvre de l’autoriser à rejoindre le front. Alors, il a insisté et fini par la persuader qu’il se contentera d’aller au camp pour s’entraîner loin du danger. Il fut transféré un mois plus tard sur le front, portant un fusil Kalachnikov de la longueur de son corps chétif, avec à l’esprit l’illusion d’une pensée perverse! ! Il revint un jour voir sa famille pour de courtes vacances, couronné du titre de commandant honorable (Abu Aqil) et lui remit un peu d’argent avant de rebrousser chemin au front. La seconde fois, au lieu de revenir chez lui portant de l’argent et des cadeaux, il revient en famille porté sur les épaules, un corps sans vie dans un cercueil décoré de l’image et du nom du martyr.

De l’argent en contrepartie de son fils unique
L’enfant de 13 ans (A.S.), originaire du gouvernorat d’Amran, était le garçon unique de ses parents, il avait plusieurs sœurs et étudiait au collège près de chez lui. Le superviseur sécuritaire de la région l’envoya suivre des cours culturels, puis des stages avancés dans la capitale Sanaa chargés d’inculquer aux enfants l’idéologie toxique du groupe et de les convaincre de la nécessité du jihad pour combattre les ennemis envahisseurs.

L’enfant fut envoyé plus tard au front sur la côte ouest de la mer Rouge et capturé par l’armée nationale à Jabal al-Nar, à 15 kilomètres à l’est de la ville de Moka. Son père essaya en vain de se faire aider par les dirigeants de la région pour le libérer! Il déménagea dans la capitale, Sanaa, pour demander l’assistance de hauts fonctionnaires. Cependant, il fut surpris que les courtiers de guerre lui demandaient de grosses sommes d’argent en échange de la libération de son fils et la promesse de l’inclure dans l’accord d’échange de prisonniers. Il fut obligé de vendre une partie de sa terre pour reprendre son fils deux ans plus tard, alors que ses collègues du collège étaient déjà au lycée.

Érudit en charia
L’histoire de l’enfant de 16 ans (P.B), diffère beaucoup de celles des autres enfants. Il a fait la 1ère classe du secondaire dans la capitale, Sanaa, mémorisé le Noble Coran et était très poli. Il rêvait d’être érudit en lectures coraniques ou en droit islamique, mais les loups humains le guettaient ! Il fut désigné superviseur d’un centre d’été, avant de subir un lavage de cerveau à l’idéologie extrémiste et finir sur l’un des fronts en feu.

L’enfant fut touché à la tête et transféré dans un hôpital de la capitale, Sanaa, à l’insu de ses proches. Après un coma de plusieurs mois, il se réveilla dans un état misérable, paralysé et ne pouvant remuer que la tête.

Conclusion
Ce ne sont là que de simples exemples d’histoires de milliers d’enfants dont l’avenir a été compromis, et qui ont été impliqués dans une guerre féroce qui n’épargne ni enfants, ni jeunes, ni adolescents et dont profitent les politiciens et les magnats du pouvoir. N’est-il pas temps que cette guerre prenne fin et que le Yémen redevienne bienheureux comme il l’était ?!

Le problème des enfants quittant l’école pour aller se battre s’est exacerbé de manière effrayante et est devenu un cauchemar qui menace le présent et l’avenir du Yémen, ce qui nécessite une position ferme à différents niveaux. Les parents sont tenus de résister au groupe Houthi et de refuser catégoriquement de jeter leurs enfants dans le brasier de la guerre. Les organisations de défense des droits humains et de protection de l’enfance doivent assumer leurs responsabilités humanitaires et morales, et faire pression pour arrêter les exactions commises par les Houthis contre les enfants yéménites et traduire en justice les responsables de leur recrutement en tant que criminels de guerre. Des centres de réhabilitation et de réinsertion sociale des enfants affectés par la guerre doivent être créés.