L'année 2022 a été l'année de conflit armé la plus sanglante depuis le génocide rwandais de 1994. Les combats entre les armées éthiopienne et érythréenne et le Front de libération du Tigré ont causé 100.000 morts. La guerre en Ukraine a fait près de 82.000 morts cette année-là.

La situation de paix s'est détériorée dans six des neuf régions du monde en 2022. L'Asie et le Pacifique, l'Amérique du Nord, ainsi que le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont les trois seules régions à s'améliorer. La Russie et l'Eurasie ont enregistré le taux de détérioration le plus élevé. La région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord demeure la région la moins pacifique du monde, car elle abrite quatre des dix pays les moins pacifiques au monde, mais elle a connu la plus grande amélioration de paix en 2022. Plusieurs pays de la région en situation de post-conflit ont enregistré des améliorations de paix, notamment la Libye, l'Irak et le Yémen. La Libye a enregistré un taux de 7,2%, considéré comme la meilleure amélioration au niveau local et mondial.

C'est ce qui ressort de la 17ème édition du Global Peace Index 2023 (Indice Mondial de la paix), qui classe 163 pays et territoires indépendants habités par 99,7% de la population mondiale selon leur niveau de paix. Cet indice publié par l'Institut d'économie et de paix de Sydney fournit l'analyse la plus complète des tendances de la paix à l'aide de 23 indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Il mesure l'état de la paix à travers trois niveaux : sûreté et sécurité, conflits internes et internationaux en cours et militarisation.

Résultats

L'indice a révélé une détérioration du niveau moyen de paix de 0,42%, en amélioration dans 84 pays et en détérioration dans 79 pays en 2022. Il s'agit de la treizième détérioration au cours des quinze dernières années. Alors que le monde devenait moins paisible, les scores moyens des pays se sont détériorés de 5%. Sur les 163 pays de l'Indice mondial de la paix, 95 pays ont enregistré une détérioration, tandis que 66 pays ont enregistré une amélioration, et la situation de deux pays est restée inchangée. Le niveau de 16 sous-indicateurs sur un total de 23 s'est détérioré contre sept indicateurs.

L'Islande reste le pays le plus pacifique au monde depuis 2008, suivie par le Danemark, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande et l'Autriche. Quant à l'Afghanistan, il reste le pays le moins pacifique au monde pour la huitième année consécutive, suivi du Yémen, du Sud Soudan et du Congo.

Pour la deuxième année consécutive, la Libye enregistre la meilleure amélioration de la paix, suivie du Burundi, de la Côte d'Ivoire et de l'Afghanistan. L'Europe reste la région la plus pacifique du monde, puisqu'elle abrite sept des dix pays les plus pacifiques du monde.

Analyse des domaines

Deux des trois domaines du GPI se sont détériorés depuis 2008: les conflits en cours, de 14%, et la sûreté et la sécurité, de 5,4%. La militarisation est le seul domaine qui a connu des améliorations.

Dans le domaine de la militarisation, 118 pays ont enregistré une amélioration, 43 pays une détérioration et la situation de deux pays est restée stable. Cinq des six sous-indicateurs se sont améliorés dans ce domaine. L'indicateur des importations d'armes a enregistré à lui seul une détérioration. 113 pays ont enregistré une amélioration du taux de personnel armé. Le taux moyen de personnel armé a diminué de 476 à 403 soldats pour 100.000 habitants. Les contributions de 123 pays au financement des opérations de maintien de la paix des NU se sont améliorées et 110 pays ont amélioré l'indicateur des armes nucléaires et des armes lourdes. Les dépenses militaires moyennes au monde sont passées de 2,04 à 1,95% du PIB. Cependant, le niveau absolu des dépenses militaires a augmenté, les augmentations les plus importantes ayant eu lieu en Chine (180 milliards de dollars), aux États-Unis (70 milliards de dollars) et en Inde (40 milliards de dollars) depuis 2008. Les pays d'Europe de l'Est frontaliers de la Russie ont vu leur militarisation diminuer de 6,9% entre 2008 et 2023.

Sûreté et sécurité

La sûreté et la sécurité se sont détériorées de 5,4% entre 2008 et 2023. Sur les 11 indicateurs dans ce domaine, neuf domaines se sont détériorés, deux se sont améliorés et la plus forte détérioration s'est produite dans l'indicateur des manifestations violentes, où 120 pays ont connu une augmentation des manifestations violentes. Les scores moyens pour cet indicateur se sont détériorés au niveau mondial.

L'indicateur d'impact du terrorisme a enregistré la deuxième plus grande détérioration entre 2008 et 2015, et la plupart des décès résultant du terrorisme se sont produits dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Au cours des huit années suivantes, l'épicentre du terrorisme s'est déplacé de l'Asie du Sud, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord vers l'Afrique subsaharienne, en particulier le Sahel, où le terrorisme a fait plus de morts en 2022 qu'en Asie du Sud, Moyen-Orient, et Afrique du Nord réunies. Au cours des quatre dernières années, l'impact du terrorisme a diminué dans les neuf régions du monde, à l'exception de l'Afrique subsaharienne.

L'indicateur du taux d'homicides a enregistré la plus grande amélioration en matière de sûreté et de sécurité, avec 104 pays enregistrant une baisse depuis 2008. Le taux d'homicides moyen dans tous les pays du GPI a diminué de 7,6 à 6,3 pour 100.000 habitants. Le taux d'homicide entre 2008 et 2023 dans 34 pays est inférieur à un meurtre pour cent mille, et dans 61 pays, ce taux est inférieur à deux pour cent mille.

Conflits en cours

Les conflits persistants ont connu la plus grande détérioration dans les trois domaines du GPI, avec une baisse moyenne de 14% entre 2008 et 2023. Les six indicateurs du domaine des conflits persistants se sont détériorés, 99 pays enregistrant une détérioration dans ce domaine, 52 pays enregistrant une amélioration, et le reste n'accusant aucun changement depuis 2008.

Le nombre total de décès liés aux conflits a fortement augmenté dans les années 2000, atteignant un pic de plus de 149.000 morts en 2014. Cette augmentation spectaculaire s'est concentrée dans quelques pays, comme la Syrie, Afghanistan, Irak, Nigeria et Centrafrique.

Le nombre de décès liés aux conflits a diminué en 2015, mais il a augmenté à mesure que l'indicateur des conflits extérieurs se détériorait, après que de nombreux pays se soient retrouvés impliqués dans des conflits hors de leurs pays, passant en 2008 de 58 à 91 pays. Parmi ces 91 pays, 13 pays sont engagés dans un conflit extérieur, 33 pays participent à une petite coalition et 45 à une grande coalition de dix pays ou plus.

Cela a entraîné une augmentation de 45% des décès entre 2020 et 2021 en Afrique subsaharienne, notamment en Éthiopie et dans la région des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. L'année dernière, le nombre de décès a augmenté de 96% en raison des conflits en Ukraine et en Éthiopie.

L'indicateur des conflits extérieurs a enregistré la plus forte détérioration parmi tous les indicateurs depuis 2008, avec une aggravation de plus de 50% dans 77 pays. Sur les 163 pays, 122 ont été impliqués dans au moins un conflit extérieur depuis 2008.

Les décès liés au conflit au Mali ont augmenté de 154% en 2022, avec une augmentation de la violence contre les civils de 570% et au Myanmar de 87%. Par ailleurs, le niveau de violence dans les zones touchées par le conflit a diminué au cours de l'année écoulée, de sorte que les décès ont diminué de 91% en Afghanistan et de 63% au Yémen.

L'indicateur moyen d'intensité des conflits internes est passé de 2,29 à 2,56 entre 2008 et 2023. En 2008, 104 pays ont obtenu un score de 2 ou moins sur cet indice, ce qui indique l'absence de conflit ou un potentiel latent de conflit. En 2023, ce nombre était tombé à 85, et le nombre de pays obtenant des scores de quatre ou plus, indiquant la présence d'un conflit violent manifeste, est passé de 29 pays en 2008 à 37 pays en 2023.

L'indicateur d'instabilité politique a enregistré la troisième plus grande détérioration parmi les indicateurs de conflit au cours des cinq dernières années. La stabilité politique s'est détériorée dans 59 pays au cours de l'année écoulée, contre 22 pays.

Contagion de la violence et de la paix

L'analyse des données de terrain sur les conflits révèle que la violence et la paix sont souvent contagieuses : si l'une se produit dans une région ou un pays, l'autre se propage aux régions et pays voisins, conduisant à des cycles bénins de paix ou à un cercle vicieux de violence. L'Europe de l'Est en est un bon exemple. L'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a entraîné une militarisation accrue en Ukraine, Biélorussie, Lituanie, Lettonie et Estonie, avec augmentation des dépenses militaires et détérioration des relations avec les pays voisins.

En revanche, la région du Sahel ouest-africaine est un exemple du cercle vertueux de paix, les pays ayant amélioré leurs scores au GPI lors des 15 dernières années, même si la violence s'est généralisée dans la région voisine du Sahel.

​Impact économique de la violence

L'impact économique mondial de la violence a atteint 17.5 trillions de dollars en 2022, soit l'équivalent de 12,9% du produit brut mondial, soit 2200 dollars par habitant, avec une augmentation de 6,6% par rapport à l'année précédente. Cela est dû à une augmentation de l'impact économique global des dépenses militaires mondiales, à 16,8%, contre l'augmentation du nombre de pays ayant réduit leurs dépenses militaires. Une grande partie de cette augmentation résulte de l'invasion russe de l'Ukraine et des dépenses militaires associées des pays participants. Les dépenses militaires mondiales représentent l'essentiel de l'impact économique mondial de la violence. Elles se sont élevées à 7.6 trillions de dollars, soit 43,6% de cet impact total. Les dépenses de sécurité intérieure arrivent en deuxième position, avec 5.2 trillions de dollars, soit 29,9%. L'impact économique des dépenses militaires a augmenté de 16,8% en 2022, soit l'équivalent de 1.1 milliard de dollars.

Même si les dépenses militaires représentent toujours la plus grande part de l'impact économique total de la violence, elles se sont améliorées par rapport à l'année précédente, puisque 92 pays ont réduit leur niveau de dépenses militaires. Dans 43 pays, ces dépenses représentaient moins de 1% du PIB.

Quant aux dix pays les plus touchés par la violence, l'impact économique moyen de la violence équivaut à 34% du PIB, contre 2,9% dans les dix pays les moins touchés. L'Ukraine, l'Afghanistan et la République centrafricaine ont subi les pires conséquences en 2022, équivalent à 63, 47 et 40,% du PIB.

La sécurité privée se classe au troisième rang parmi les indicateurs de l'impact économique de la violence, pour 1,2 trillion de dollars, soit 6,8%, avec une diminution de 8,9% par rapport à l'année précédente. La Chine et l'Inde ont enregistré les plus fortes réductions de leurs dépenses, s'élevant à 51 milliards de dollars en 2022 par rapport à l'année précédente.

Le coût des homicides s'élevait à 1,1 trillion de dollars, soit 6,6% de l'impact économique mondial de la violence, avec une augmentation de 4% par rapport à l'année précédente ou 44,3 milliards de dollars. 62 pays ont enregistré une détérioration de l'impact économique des homicides, contre 101 pays.

L'impact économique de la violence a augmenté dans la plupart des régions du monde en 2022. La région Russie-Eurasie a connu la plus forte augmentation en raison des coûts associés au conflit en Ukraine, ayant augmenté de 479%.​