​​​La politique anti-terrorisme intègre la pratique, les tactiques militaires, les techniques et la stratégie que le gouvernement, l’armée, les forces de l’ordre, les entreprises et les services de renseignement utilisent pour prévenir ou combattre le terrorisme. La stratégie antiterroriste est le plan gouvernemental visant à utiliser les instruments du pouvoir national pour neutraliser les organisations terroristes et leurs réseaux afin de les rendre incapables d’utiliser la violence pour semer la peur et contraindre les citoyens à réagir conformément aux objectifs des insurgés.

Dans ces conditions, la lutte contre le terrorisme amène les forces de défense et de sécurité à recourir à des mesures anti-insurrectionnelles afin de réprimer l’insurrection, l’anarchie ou la subversion ou pour réduire les conditions dans lesquelles ces menaces à la sécurité peuvent se développer. Le Cameroun lutte actuellement contre le terrorisme de la secte Boko Haram le long de sa frontière avec le nord-est du Nigeria depuis Mai 2014 date à laquelle, le sommet de Paris sur la sécurité dans le bassin du lac Tchad a pris la décision unanime de déclarer la guerre contre ladite secte. Des dispositions légales furent adaptées pour encadrer la lutte contre le terrorisme au Cameroun. 

Approche conceptuelle et législation antiterrorisme 

La dernière décennie a vu une augmentation d’études sur le terrorisme dans la région du lac Tchad. La définition du terrorisme a été cruciale rendant ladite question controversée et ouverte en même temps aux interprétations divergentes. De nombreux facteurs ont été identifiés comme contribuant à la complexité qu’implique la définition du terrorisme. Selon Weinberg et al. (2004), les principaux facteurs qui empêchent toute tentative de fournir une définition formelle du terrorisme comprennent l’utilisation du terme à des fins politiques liés aux caractéristiques analytiques de la menace. D’autres soutiennent qu’une grande partie de la difficulté entourant la définition du terrorisme découle de la nécessité de développer une signification concrète du terme. 

Ce terme reste ambigu du fait que les gouvernements et les universitaires cherchent à le définir pour classer toute forme de violence non conventionnelle comme terrorisme. Du fait de cette divergence d’approche, la tendance juridique continue de servir de définition primaire et officiellement reconnue et utilisée par le gouvernement camerounais, la législation conçoit le terrorisme par le lien subjectif avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Le terrorisme n’exige pas que les actes réalisés soient de nature à atteindre ce but et encore moins qu’il ait été effectivement atteint. Il apparaît surtout comme une menace, et c’est le maître-mot, pour les fondements de l’État de droit. 

Réactions publiques

La croissante d’actes terroristes à l’extrême nord du Cameroun a donné lieu à un certain nombre de réponses du gouvernement face à la menace. Même si les objectifs de la lutte contre le terrorisme et de la protection et la promotion des droits de l’homme ne sont pas en conflit, certaines mesures prises par le gouvernement peuvent avoir entraîné une interprétation contraire aux droits de l’homme notamment le recours à la peine de mort. Le Cameroun a adopté une loi le 23 décembre 20141 sur la répression des actes terroristes.

La Loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme délibéré et adopté par le parlement puis promulgué par le président de la République stipule que: La répression des actes de terrorisme est en accord avec le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code de justice militaire, relevant de la compétence exclusive des juridictions militaires.

Est puni de la peine de mort, celui qui, à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique, d’occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturel dans l’intention d’intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes. Il en est de même de la perturbation du fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de la création d’une situation de crise au sein des populations.

Le support d’une tierce personne pour atteindre ces mêmes objectifs en fournissant et/ou utilisant des armes et matériels de guerre, des micro-organismes ou autres agents biologiques, notamment des virus, des bactéries, des champignons ou des toxines, des agents chimiques, psychologiques, radioactifs ou hypnotisant tombent sous le coup de ladite loi. Il en est de même de tout support financier aux actes de terrorisme. Si par contre ces actes visent la faune et la flore, la peine d’emprisonnement à vie est appliquée.

L’option militaire est officiellement déclarée contre cette menace asymétrique de la secte Boko Haram dans la région. Toutefois, d’autres approches moins coercitives sont entreprises en marge de la riposte militaire. En mars 2016, plusieurs condamnations à mort ont été prononcées contre des personnes soupçonnées d’appartenir à Boko Haram.

Confrontation et endiguement

Les pays du bassin du lac Tchad - le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigéria - ont fait des efforts pour se coordonner contre Boko Haram par le biais d’une Force Multinationale Mixte (FMM) - Multinational Joint Task Force (MNJTF). L’incohérence de la planification de celle-ci, les problèmes de financement ont nui à son efficacité. Les combattants terroristes se regroupent, réoccupent le terrain et lancent des contrattaques punitives contre les positions de l’armée camerounaise et les populations frontalières. Le gouvernement camerounais n’était pas prompt dans sa réaction contre la menace de Boko Haram, considérant qu’il s’agit d’un problème domestique nigérian. Toutefois, Yaoundé en accord avec la commission du Bassin du Lac Tchad met en place une réponse militaire efficace qui déboussole la secte dans le cadre de la Force Opérationnelle Interarmées Multinationale (MNJTF) sous auspices de l’Union Africain.

Or, une bonne stratégie pour lutter contre les différentes factions de Boko Haram autour du lac Tchad dépend non seulement des opérations militaires, mais aussi de la capacité des quatre pays à améliorer les conditions de vie des populations locales et à gagner la confiance de ces dernières. Les restrictions adoptées après les attentats de Maroua en juillet 2015, tels que l’interdiction du voile intégral, la fermeture de la frontière, limitation des heures de circulation des motos-taxis, et les abus des militaires auraient radicalisé une partie de la population, dont les femmes, en accentuant les vulnérabilités socio-économiques de nombreux jeunes, susceptibles de les pousser à rejoindre Boko Haram. Des milliers de Camerounais ont rejoint Boko Haram entre 2012 et 2016, par conviction idéologique, par opportunisme ou sous la contrainte. 

L’instauration de ce dialogue témoigne à suffisance que la force multinationale mixte est désormais convaincue du fait qu’on ne peut pas vaincre une idéologie à coup de missiles et de canons. De ce fait, à côté de l’action militaire des initiatives de dialogue civilo-militaires en attendant le développement des programmes de contre-radicalisation et de déradicalisation sont mis en place. Dans ces conditions, inspirée de la théorie de David Galula, l’armée développe un nouveau paradigme à travers l’initiative de renforcement de la confiance entre civiles et militaires. La tenue et la kalachnikov font place à nouveau type de soldat. Les militaires deviennent tour à tour des médecins, des maçons, des enseignants, des transporteurs soulageant les populations des zones affectées par Boko Haram dans leur recherche du moindre confort vital en attendant le retour des services publiques et de l’Etat. Ainsi pour consolider les acquis militaires contre Boko Haram et de ramener une paix durable dans l’Extrême-Nord, le gouvernement camerounais est passé d’une approche basée sur la sécurité à celle reposant sur le développement socio-économique et la lutte contre le radicalisme religieux. Les actions civilo-militaires sont donc dirigées vers des personnes qui sont acquises aux forces armées. Les actions d’influence, quant à elles, devraient s’émanciper des logiques purement humanitaires.

C’est dans cette optique que le Cameroun lance un processus de DDR, «désarmement, démobilisation et réinsertion». Le décret signé en novembre 2018 par le président Paul Biya explique que ce programme est destiné aux combattants de Boko Haram dans l’extrême-nord. L’objectif est d’offrir à ceux qui acceptent de déposer les armes le retour à la vie civile. La collecte des armes des ex-combattants leur donnait accès aux camps de cantonnements et à l’accompagnement dans des programmes de déradicalisation. Une prise en charge cohérente de ces individus pousse d’autres membres à se rendre, ce qui fragilise Boko Haram. Cette politique du général Bouba Dobekreo fut efficace en provoquant des redditions volontaires parmi les combattants encore en activité et en renforcent l’idée d’une alternative au mouvement avec assurance de leur protection.

Les comités de vigilance jouent un rôle essentiel dans la lutte contre Boko Haram en facilitant les retours grâce au renseignement aux forces de défense pour lesquelles ils servent d’éclaireurs et de guides. Les retournes jurent publiquement la main posée sur le Coran, qu’ils ne font plus partie de Boko Haram. Une forme de repentance peu orthodoxe et assez peu convaincante pour apaiser des communautés traumatisées à qui l’on demande subitement de pardonner.

Conclusion

La politique camerounaise anti-terroriste est avant tout une disposition judicaire. La défense de l’intégrité territoriale est la priorité du gouvernement. Ce qui explique la réaction défensive contre la secte Boko Haram au départ. Par la suite une approche concertée et coordonnée des pays du bassin du Lac Tchad qui intègre une collaboration avec les populations locales dans le cadre du dialogue civilo-militaire a beaucoup plus permis de réduire les attaques de Boko Haram et la perte en vie humaine grâce au comité de vigilance.

La mise sur pied du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion affaiblit d’avantage la menace de la secte terroriste le long de la frontière camerounaise avec le Nigeria. Le pardon octroyé par devers le Coran est également un gage de la démobilisation des combattants Boko Haram qui avaient été séduits par l’idéologie du Mouvement. Ces approches circonstancielles ont besoin de temps avant d’être jugées bien qu’elles produisent des résultats appréciables à court terme dans la démobilisation et la déradicalisation contre Boko Haram. Ce qui permettra alors de parler d’une véritable politique visionnaire anti-terroriste au Cameroun.

Les présentes victoires permettent de reconstruire l’éducation, la santé et la reprise économique susceptible d’être parachevée avec le retour du service public et de l’Etat Camerounais sur ses terres juxtaposées au nord-est du Nigeria.