Si nous observons de près la réalité sociale et étudions la situation générale en dehors des cas individuels, nous constatons que la violence politique est un phénomène des plus importants mais qui n’a pas été sérieusement abordé, quoiqu’elle intéresse les différents groupes sociaux. Le terme de violence politique reflète les luttes de pouvoir qu’implique la vie politique. Si ces conflits ne sont pas bien gérés, ils finiront par enraciner la violence vouée à se transformer en terrorisme.

Un examen complet de la réalité est indispensable pour se faire une perception clairvoyante et globale des causes réelles et des facteurs influents de ce phénomène, pour ensuite chercher à résoudre la question de la violence politique par le dialogue entre tous les segments de la société.

Conflit et Paix
Avec la propagation du phénomène de balkanisation (guerre civile entre les différentes ethnies et nettoyage ethnique de certaines composantes sociales, comme ce fut le cas dans les Balkans), avec son lot de troubles futures et de conflits incessants, il faudrait subvenir aux besoins quotidiens des populations et relever les défis auxquels les sociétés sont confrontées, de sorte que la paix soit pour ces États la seule option leur permettant d’atteindre leurs objectifs de développement.

La meilleure façon de faire face à cette réalité mouvementée est d’adopter des programmes conjoints soumis à un double contrôle, de responsabiliser les communautés et de mettre en place une infrastructure de services de base grâce à des efforts locaux dans divers domaines, tels que l’eau, l’environnement, les soins de santé, l’éducation, etc., et de former les forces sécuritaires et militaires aux compétences pratiques de négociation et de dialogue.

En analysant le cas de l’Argentine au sujet de la violence politique, il apparaît que l’État national use de deux approches différentes pour traiter un seul problème, comme en témoigne, à titre d’exemple, le conflit du peuple Mapuche dans la région de Patagonie, au sud de l’Argentine.

Étapes du Conflit
L’Argentine a historiquement vécu diverses expériences de violence politique à différentes étapes, telles que la guerre d’indépendance, l’unification de l’État-nation, la dictature militaire, le terrorisme de gauche et le terrorisme extérieur. Le dernier gouvernement militaire a pris fin de 1967 à 1982 avec la guerre des Malouines, puis une nouvelle période démocratique a commencé en 1982. Le changement dans la transition du régime militaire au régime démocratique a contribué à la réalisation de la paix, et des poursuites civiles ont été engagées pour condamner l’armée pour ses crimes contre les droits de l’homme. Cette étape a duré quelques années avant que n’éclatent de nouvelles rébellions militaires connues sous le nom de la guerre sale, visant à mettre fin aux poursuites civiles condamnant les crimes commis par les militaires. Les rebelles ont réussi dans leur entreprise et une paix plus durable s’est instaurée, mais ce qui a satisfait les rebelles a irrité les citoyens en raison de l’atteinte au processus démocratique.

Au cours des années 90, le nouveau gouvernement qui a pris la relève du président «Carlos Menem» a fait de l’économie un enjeu majeur, ayant permis une transformation majeure de la société. La violence interne fondée sur les conflits politiques a rapidement régressé suite à l’amnistie accordée aux anciens chefs rebelles et aux militaires condamnés. Puis une nouvelle violence sociale est apparue, liée au trafic de drogue, aux vols et aux enlèvements, dont les principales causes sont les inégalités sociales et les taux de pauvreté élevés.

Cette période a connu deux attentats à la bombe, contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires en 1993, et contre l’association israélo-argentine en 1994. Les dossiers des deux incidents n’ont pas été clos et sont toujours soumis à la justice. En 1994, la constitution a été réformée et divers changements y ont été apportés, tels que la reconnaissance des peuples autochtones et l’harmonisation de la constitution avec les Droits de l’homme. La paix a duré jusqu’en 2000-2001, suivie par un choc social qui a éclaté en raison de la crise économique et de la dégradation du leadership politique.

En 2003, la situation économique s’est améliorée sous l’administration du Président «Fernandez» et du nouveau Chef du gouvernement «Kirchner», grâce au rejet de la spéculation et au respect des Droits de l’homme en plus des réformes de 1994. La nouvelle stratégie prévoyait une approche graduelle, liée aux droits des individus et de la société, permettant de reconnaître et de réinstaller les peuples autochtones à qui ont été restitués leurs territoires ancestraux. Les nouvelles générations, dont l’identité ethnique a été restaurée, ont pris part à la réinstallation, ce qui a contribué à l’expansion des communautés et à l’élargissement de la gamme d’activités visant à sécuriser leurs propres zones et celles environnantes face aux projets immobiliers du secteur privé, aux opérations minières et à la culture dense de soja.

En 2015, la tourmente politique a repris à l’époque du Président «Mauricio Macri», qui a voulu régler les conflits sociaux avec une poigne de fer, ce qui a terni la réputation des forces de sécurité et exacerbé les conflits.

Le peuple des Mapuches
Les Mapuches, qui vivent au sud de l’Argentine, dans la région de la Patagonie, considérée comme l’un des points chauds, ont été l’objet d’un génocide ethnique lors de l’invasion du désert, entre 1878 et 1885, dans le cadre du plan d’expansion géographique et de l’unification des frontières de l’État national argentin.

Les Mapuches sont originaires des branches chilienne et argentine de Patagonie. Ils cultivent l’esprit guerrier et les valeurs de l’honneur, de la fierté et de la solidarité, ce qui incite, en cas de violence, à les stigmatiser sans examen ni discernement, surtout si l’affaire implique des jeunes militants pour la restauration de leurs identités ancestrales, qui peuvent avoir recours aux sarcasmes politiques à l’encontre des partis traditionnels, ou procéder à l’occupation illégale de terres et la destruction de biens privées ou de facilités publiques.

À l’époque du Président «Mauricio Macri», la crise s’est aggravée et les forces fédérales sont intervenues pour soutenir les autorités locales, enlever les barrages routiers et empêcher les occupations des terres menées par la Résistance Ancestrale Mapuche (RAM), rejetée par une grande partie du peuple Mapuche. L’émergence de la RAM semble liée à un groupe de jeunes rejetant les inégalités sociales et cherchant à restaurer l’identité de leurs ancêtres. L’absence de dialogue et le manque de communication ont entraîné des troubles chroniques dans cette région. L’intervention des forces fédérales a causé la mort de deux personnes. Et comme le dossier de décès n’a pas été correctement traité sur le plan politique, le Président «Macri» n’a pas été réélu.

Nouvelle époque
En 2019, un nouveau gouvernement de coalition a entamé son mandat sous la direction du Président «Fernandez», qui a promis de restaurer l’économie et de respecter les Droits de l’homme. Cependant, la situation sociale s’est dégradée après six mois à cause du confinement dû à l’épidémie du Coronavirus (Covid-19) et du fardeau de la dette économique héritée de l’ancienne administration. En août 2020, la crise en Patagonie a éclaté de nouveau, avec l’occupation des terres et la destruction des propriétés publiques et privées par la RAM, en plus de la participation de nombreux groupes d’intérêt et factions tels que les nouveaux groupes Mapuches, ou la cheffe spirituelle des jeunes féministes «Machis», et les propriétaires de projets immobiliers privés et de mines.

La dégradation de la situation pourrait être due à ce qui suit:

1.    Absence d’une approche globale des autorités face aux conflits, traitant les conséquences effectives des variables socio-économiques, tels que l’occupation des terres et la réinstallation.
2.    Manque de transparence entre les autorités locales et fédérales.
3.    Absence d’une politique systématique et décisive pour la résolution des conflits.
4.    Absence d’éléments complémentaires pour autonomiser la société.
5.    Non-respect des traités et internationaux, tels que le traité de l’OIT.

Plan mis à jour
Le gouvernement Fernandez a mis en œuvre une nouvelle approche dans le traitement des conflits liés aux revendications autochtones, mise en œuvre dans le cadre d’un accord entre les Ministères de la Sécurité et de l’Environnement aux niveaux local et national. Le plan mis à jour prévoit de:

A.    Réorganiser la protection de l’environnement et former une vision globale basée sur la vision des peuples autochtones et leurs volontés liées aux ressources naturelles locales, tout en protégeant les propriétaires fonciers au niveau individuel et collectif.
B.    Clarifier les responsabilités nationales des Ministères de la Sécurité, de la Justice et de l’Environnement, des Chefs de Communauté et de l’Institut National Interne, et réaliser la coopération en coordonnant les efforts de toutes les parties prenantes.
C.    Préparer un programme de dialogue entre toutes les parties, traitant de l’ingérence de l’État national dans les affaires locales, et animé par une équipe représentant toutes les régions.
D.    Établir un document pour les forces de sécurité conformément au Traité n° 169 de l’OIT.
E.    Réaliser le fédéralisme et inviter toutes les régions à participer à ce nouveau plan, dont les régions de Chubut et de Rio de Janeiro, pour régler tous les litiges.

Depuis que la mise en œuvre du nouveau plan avec la coopération des différentes parties influentes, les manifestations de violence ont diminué et l’occupation des terres a progressivement cessé, dans le respect de la propriété privée et le maintien des revendications autochtones.

Ce plan constitue un début et non une solution idéale. Le projet manque encore deux maillons importants, à savoir de contrôler l’action des agents de sécurité et d’autonomiser les communautés en général, et les jeunes en particulier, de manière à permettre la reconnexion de la communauté locale et nationale avec les populations autochtones d’Argentine, et les échanges culturels entre la population autochtone et le reste de la société.

Conclusion
Ce conflit endémique est dû à de nombreuses raisons interdépendantes, mais le gouvernement national peut changer la réalité du conflit et éviter la violence en créant les conditions adaptées au changement et les environnements locaux et nationaux propices à un réel développement durable, dans des conditions exemptes de violence et de terrorisme, ce qui fera un excellent modèle à suivre pour la résolution durable des conflits à l’avenir.