Étant le nerf des organisations terroristes, le financement constitue pour ces groupes un objectif primordial. Et comme la cryptomonnaie offre tous les avantages recherchés par les terroristes, tels que l’anonymat, l’évasion des contrôles gouvernementaux et la facilité de transfert, elle est désormais plus convoitée que jamais par ces groupes.
Les cryptomonnaies
Le conférencier a passé en revue les normes et recommandations internationales relatives aux actifs virtuels (AV), ainsi que les meilleures pratiques pour adhérer à ces normes internationales de lutte contre le financement du terrorisme (LFT) et le blanchiment des capitaux (LBC) liés aux actifs virtuels.
Bahamam a présenté diverses définitions des monnaies numériques, dont celle du GAFI qui seraient "la représentation numérique de la valeur pouvant être échangée ou transférée numériquement et utilisée à des fins de paiement ou d'investissement". Les AV n’englobent pas la représentation numérique des billets, titres et autres actifs financiers inclus dans d’autres recommandations du GAFI. Quant à l’Autorité bancaire européenne, elle les définit comme "une représentation numérique de valeur non émise par la Banque Centrale, acceptée par des personnes physiques ou morales, comme moyen de paiement, et pouvant être transférée, détenue ou échangée par voie électronique".
Caractéristiques et dangers
Le conférencier a évoqué les caractéristiques des actifs virtuels, dont notamment le caractère international de ces actifs circulant partout dans le monde sans barrières ni obstacles, en plus de l’anonymat entravant toute possibilité de les suivre, les tracer ou les contrôler, la rapidité et la facilité de transfert sans intermédiaire, le peu de frais et l’impossibilité de les confisquer ou les geler.
Ces caractéristiques ont intensifié les risques de cette monnaie, pouvant être utilisée dans le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue et d’armes et l’évasion fiscale, en plus de la forte fluctuation de sa valeur marchande et l’incapacité de les contrôler, ce qui augmente le danger qu’elle pose au système financier mondial.
Exploitation des terroristes
Le dénommé Adhim Abdullah, un terroriste de Daech (EI), n’avait pas besoin d’une grosse somme d’argent pour lancer un site Web pour l’EI. Il avait surtout besoin du secret absolu. En 2014, il décida de se tourner vers la cryptomonnaie (Bitcoin), en enregistrant un site Web contre 1 Bitcoin, soit environ 400 $ à l’époque, et en demandant aux visiteurs du site de faire un don en bitcoin pour aider à payer (le coût de maintenance du site). Et puisque l’envoi de dons en cryptomonnaie dissimule l’identité des donateurs derrière une série de codes et de chiffres et empêche les banques ou les forces de l’ordre de traquer le flux de ces fonds, financer le terrorisme est devenu une tâche fort aisée.
L’un des réseaux affiliés à Al-Qaïda et traqué par le gouvernement américain, a reçu plus de 15 bitcoins, estimés à des milliers de dollars, en menant 187 opérations du 5 février 2019 au 25 février 2020. Un membre du Groupe Ghost Security, une organisation anti-terroriste, a précisé que le bitcoin représentait entre 1% à 3% du revenu total de Daech, soit entre 4,7 et 15,6 millions de dollars.
Normes et recommandations
Le conférencier a présenté les normes et recommandations internationales relatives aux cryptomonnaies virtuelles, notamment le GAFI, qui a appelé, dans sa recommandation n° 15, les États à traiter les actifs virtuels comme les propriétés, les revenus ou les fonds et à leur appliquer les recommandations, puis évaluer et comprendre les risques qui en découlent, exiger des fournisseurs de services d’avoir des licences officielles et d’être enregistrés et soumis à la réglementation, à la surveillance et au contrôle d’un système pénal approprié et dissuasif, et à promouvoir la coopération internationale et l’échange d’informations à leurs propos.
Quant au Conseil des gouverneurs des banques centrales et des institutions monétaires arabes, il a recommandé que les institutions financières et les organes de surveillance, tels que les banques centrales, mettent en place des structures de gouvernance et une gestion active des risques. Un groupe de banques centrales arabes et islamiques a rendu des décisions dont:
- Interdiction aux banques et particuliers d’user des AV.
- Ne pas accepter les AV à des fins de transactions commerciales officielles.
- Sanctionner les commerçants qui négocient des AV, conformément à la loi anti-blanchiment.
- Ne pas accepter les AV comme monnaie ayant force de loi.
- Mettre en garde contre les transactions en AV qui comportent un risque élevé de fluctuation des prix.
- Avertir contre les dangers du recours aux AV dans des opérations de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Les banques centrales des pays arabes ont recommandé d’équilibrer les avantages de l’émission de monnaies numériques et les défis et risques qui y sont associés, et la nécessité d’évaluer et de choisir minutieusement la conception la plus appropriée de monnaie numérique émise par la banque centrale, assortie de cadres juridiques et réglementaires, et soumises aux exigences de succès pour l’émission d’une telle monnaie.
Meilleures pratiques
Le conférencier a expliqué les bonnes pratiques pour adhérer aux normes internationales de LFT et LBC liées aux actifs virtuels, dont les plus importantes sont de: Sensibiliser le public sur les monnaies virtuelles et lui montrer les risques encourus, faute d’informations correctes à leur sujet; créer un environnement juridique qui réglemente les monnaies légales émises par les banques, s’intéresser à la formation, car la cryptomonnaie nécessite un environnement hautement technique et des équipes qualifiées et compétentes.
Déterminisme technique
Dans les discussions qui ont suivi la conférence, le Délégué du Pakistan à la CIMCT s’est interrogé sur l’impact de la fluctuation des prix des monnaies virtuelles pour leur avenir, et le conférencier de répondre que les blanchisseurs d’argent et les financiers du terrorisme ne craignent pas la dévaluation des cryptomonnaies, étant prêts à sacrifier une partie de cet argent en échange de son blanchiment.
Dr. Mohammed Al-Sobihi, Délégué médiatique saoudien, a évoqué la question du fatalisme technologique et la nécessité de s’adapter positivement aux transformations techniques, comme c’est le cas avec la monnaie virtuelle. Le Royaume d’Arabie Saoudite et les EAU ont convenu d’émettre une monnaie numérique commune dite (Aber), via les banques centrales des deux pays, comme l’une des premières initiatives expérimentales mondiales au niveau des banques centrales visant à traiter directement avec ces technologies, ce qui permet les transferts financiers entre ces deux banques de manière à raccourcir les délais d’exécution et à réduire les coûts.